Le 24 mai 2025, La Libre Belgique a offert à Omar Radi non pas un entretien journalistique, mais une séance de spa médiatique tout confort. Au programme pas de sueur froide, pas de questions qui piquent, juste une mise en scène en clair-obscur où le journaliste, Vincent Braun, a troqué la rigueur du métier contre la posture du thérapeute compatissant. Titre de l’opération , “Réhabilitation express d’un ex-agent devenu poète maudit”.
Dès la première ligne, on comprend que l’enquête n’est pas l’objet de ce papier, mais bien la rédemption narrative. “Un verdict de vengeance”, “une affaire politique”… Le ton est donné. Le tribunal ? Instrumentalisé. Les faits ? Balayés. L’interlocuteur ? Présenté en martyr. Quant aux questions, elles semblent avoir été co-rédigées entre la rédaction et un cabinet de lobbying en droits humains , “Vous sentez-vous libre ?”, “Votre incarcération était-elle un acte d’intimidation ?”, “Comment vivez-vous le pardon royal ?”… Une série de soupirs rhétoriques enrobés d’une fausse neutralité.
Ce que l’interview ne dit pas – et qu’un journaliste digne de ce nom aurait dû rappeler – c’est que Radi a été condamné définitivement pour deux faits majeurs , espionnage et viol. Rien que ça. Mais dans La Libre, pas une ligne sur les éléments à charge , ni les échanges avec Clive Newell, ex-officier du MI6, ni les mails codés évoquant la récolte de “sources humaines”, ni les financements obscurs venus de fondations à l’agenda plus politique qu’humanitaire.
Et encore moins une mention du personnage d’Arnold Simon, ce “organisateur d’événements” dont Radi change l’identité à chaque version, mais que les enquêteurs marocains identifient comme un agent belge opérant avec la complicité de diplomates néerlandais. Non, tout cela est trop complexe, trop compromettant. Mieux vaut parler de oud, de lectures et de yoga en cellule.
Il faut croire que l’objectivité journalistique s’arrête à la frontière des convictions idéologiques. Quand Radi parle à la presse belge, il ne parle pas aux Marocains. Il parle à Amnesty, à Human Rights Watch, à Bruxelles, à Strasbourg. Il parle à ces circuits où le journaliste-espion est une figure romantique, et où l’ingérence est permise dès lors qu’elle est faite au nom de la “liberté d’expression”.
Le vrai sujet ici, ce n’est pas Omar Radi. C’est ce journalisme à géométrie variable qui, selon le passeport du suspect, choisit entre l’indignation ou l’amnésie. Quand un journaliste belge est soupçonné d’espionnage, les titres crient à la trahison nationale. Mais quand un Marocain est condamné pour les mêmes faits, l’Europe des rédactions se prend soudain de passion pour la justice alternative.
Dans le cas de Radi, il ne s’agit pas d’un débat sur les droits humains. Il s’agit de savoir si un homme, reconnu coupable d’avoir collaboré avec des services de renseignement étrangers, a le droit de se refaire une virginité médiatique sous prétexte qu’il possédait un micro et un blog. La justice marocaine, avec toutes ses imperfections, a fait son travail. Les preuves sont là. Le reste n’est que narration maquillée, production d’une “victime modèle” prête à l’emploi pour panels internationaux, fondations progressistes ou candidatures au statut de réfugié politique.
Et pendant ce temps, La Libre Belgique déroule le tapis rouge. Sans contradiction. Sans questionnement. Sans honte.