La SNRT et la diplomatie sélective : Bruxelles, capitale exclusive du royaume médiatique ?
Majdi Fatima Zahra
Parfois, il suffit d’un zapping rapide sur la chaîne publique marocaine, la bien nommée Al Aoula, pour comprendre que la géopolitique du royaume ne se joue plus seulement à Rabat, mais aussi… dans les salons feutrés de l’ambassade du Maroc à Bruxelles. Fêtes nationales, soirées culturelles, iftars diplomatiques , à en croire les reportages de la chaîne, l’ambassade du royaume en Belgique serait devenue le centre névralgique de la diplomatie marocaine à l’étranger. Quant aux autres ambassades ? Invisibles. Inaudibles. Presque anecdotiques.
Ce traitement de faveur ne manque pas de susciter des interrogations, voire des grincements de dents dans certaines représentations marocaines à l’étranger. Pourquoi Bruxelles ? Pourquoi uniquement Bruxelles ? La chaîne publique aurait-elle signé un bail exclusif avec le Plat Pays ? Ou bien s’agit-il d’un simple concours de circonstances… bien ficelées ?
Les mauvaises langues – qui ne manquent jamais une occasion de tirer sur les câbles de la télévision nationale – avancent des hypothèses peu orthodoxes. L’une d’elles met en lumière une connexion toute familiale , la journaliste N.M., figure connue du paysage audiovisuel marocain, aurait une sœur occupant un poste clé à l’ambassade du Maroc à Bruxelles. Une certaine B.M., secrétaire personnelle de l’ambassadeur Mohamed Ameur. Le genre de détail qui, dans toute bonne démocratie, relèverait du simple lien de parenté ; mais au royaume du soupçon, cela pourrait s’apparenter à une ligne directe entre la caméra et le tapis rouge.
Et puisque le diable se cache dans les détails, certains diplomates en poste ailleurs se demandent si un accord – tacite ou signé – lie l’ambassade de Bruxelles à la chaîne publique, sans que le ministère des Affaires étrangères n’en soit informé. Une sorte de “diplomatie audiovisuelle parallèle”, réservée à une antenne, à une ambassade, et à un narratif savamment orchestré. Pendant ce temps, à Berlin, Washington ou Abidjan, les activités des représentations marocaines passent sous silence, comme si leur existence même dépendait d’un micro jamais tendu.
Cette situation soulève une double problématique : d’un côté, l’image du Maroc à l’étranger semble gérée à la carte, selon les affinités ou les connexions personnelles ; de l’autre, les deniers publics servant à financer la chaîne nationale alimentent une couverture médiatique partielle, voire partiale, qui échappe à toute stratégie diplomatique globale.
Il serait peut-être temps que Al Aoula change de fréquence , non pas pour mieux capter les réceptions de Bruxelles, mais pour commencer à filmer là où personne ne regarde. Car la vraie diplomatie, comme le bon journalisme, ne se limite pas à un seul banquet ni à une seule adresse.