L’Algérie face à l’inévitable ? Vers un scénario d’intervention internationale et ses implications régionales
Bouchaib El Bazi
Alors que l’Algérie s’enfonce dans une impasse politique chronique et une accumulation de crises internes, de plus en plus d’analystes évoquent sérieusement la possibilité d’un « changement forcé » du régime en place – qu’il soit imposé par des pressions diplomatiques ou à travers une intervention militaire ciblée, à l’image de ce qui s’est produit en Libye ou en Syrie. Ce qui relevait hier du tabou diplomatique est aujourd’hui un scénario discuté dans plusieurs cercles de réflexion occidentaux, face aux risques sécuritaires croissants liés à l’immobilisme algérien dans une région aussi sensible que le Maghreb et le Sahel.
D’un pays pivot à un facteur d’instabilité
Historiquement, l’Algérie jouait un rôle central dans l’équilibre géopolitique maghrébin. Mais les politiques de verrouillage et d’hostilité menées depuis des décennies par le régime militaire l’ont progressivement transformée en État isolé, obsédé par le contrôle interne et résolument hostile à toute dynamique démocratique dans son voisinage.
À l’agressivité persistante envers le Maroc s’ajoute une implication directe dans la déstabilisation du Mali et du Niger, ainsi qu’un rapprochement discret mais réel avec la Russie sur des dossiers sécuritaires sensibles. L’Algérie est ainsi devenue, aux yeux de nombreuses puissances occidentales, un acteur préoccupant.
À Paris, Washington, voire Tel-Aviv, on s’inquiète désormais ouvertement d’un « blocage structurel » du système algérien, pouvant entraîner un chaos à l’échelle du sud méditerranéen.
La donne change pour la France, les États-Unis et Israël
La France, partenaire historique de l’Algérie, ne considère plus le régime militaire comme un facteur de stabilité, mais comme un handicap diplomatique croissant, notamment en matière de coopération sécuritaire et de mémoire postcoloniale.
Aux États-Unis, plusieurs think tanks proches du Pentagone alertent sur la fragilité du système algérien, menacé d’infiltration par des acteurs indésirables comme le groupe Wagner ou les réseaux de trafic d’armes vers le Sahel.
Quant à Israël, même si les canaux de communication officiels restent fermés, les services de renseignement israéliens suivent de près l’activité intense du Front Polisario – soutenu par Alger – impliqué dans des réseaux criminels qui menacent les alliés d’Israël dans la région.
Un scénario libyen ou syrien, version algérienne ?
Bien que les contextes diffèrent, plusieurs similitudes troublantes rapprochent l’Algérie de ces précédents : régime fermé, militarisé, refusant toute réforme réelle, criminalisant la contestation, sans mécanisme crédible de transition du pouvoir. Un terrain fertile pour une intervention, directe ou par procuration, avec appui logistique et politique à des forces locales de changement.
Qui participerait à cette “deuxième guerre de libération” ?
En cas de soulèvement populaire massif ou d’intervention externe coordonnée, plusieurs acteurs pourraient jouer un rôle déterminant ,
Dans une lecture lucide de la situation algérienne, le journaliste Bouchâib El Bazi estime que l’Algérie se dirige inéluctablement vers un tournant majeur qui pourrait ne pas être pacifique. Selon lui ,
« Le régime militaire algérien a perdu depuis longtemps sa légitimité morale et politique. Il ne représente plus seulement un danger pour son propre peuple, mais constitue une menace croissante pour l’ensemble de la région maghrébine. Nous faisons face à un système fermé, hostile à ses voisins, complice des désordres au Sahel, et en rupture avec les grandes puissances. C’est typiquement le profil d’un régime qui se dirige vers sa fin. »
El Bazi poursuit :
« Ni la France ni les États-Unis n’accordent encore leur confiance au pouvoir algérien actuel. Israël, de son côté, observe de très près les activités du régime dans les camps de Tindouf et ses connexions douteuses au Sahel. Tout cela laisse entrevoir l’émergence possible d’un axe international qui pourrait considérer qu’un changement de régime à Alger est devenu une nécessité stratégique, à l’image de ce qui s’est passé en Libye ou en Syrie. »
Quant aux perspectives d’un tel changement, El Bazi ne ferme pas la porte à un scénario de transition soutenu de l’extérieur ,
« Si le changement ne vient pas de l’intérieur, il sera imposé de l’extérieur. Le Maroc, la Tunisie, la nouvelle Libye, les pays du Sahel, voire certaines puissances du Golfe et Israël, pourraient être amenés à intervenir, chacun selon ses intérêts, dans un processus de redéfinition de l’équilibre régional. »
« Le peuple algérien mérite bien mieux qu’un système figé dans les réflexes de la guerre froide. La véritable guerre de libération aujourd’hui n’est plus contre un colonisateur étranger, mais contre une oligarchie militaire qui confisque l’avenir de tout un pays. »
L’Algérie a perdu la confiance du monde
Après des années de discours révolutionnaire vide, l’Algérie n’a plus de véritables alliés. La Russie la considère comme un simple client militaire. L’Europe la juge peu fiable. Le monde arabe l’ignore. Quant à l’Afrique, elle ne suit plus son narratif déconnecté.
Même le mouvement populaire de 2019, qui avait suscité l’admiration par sa maturité, a été vidé de sa substance par la répression, les arrestations et la diversion permanente autour d’ennemis extérieurs imaginaires.
Le changement viendra… porté par la géopolitique
L’Algérie n’est pas hors du temps. Ce qui est arrivé en Libye, en Syrie ou au Yémen pourrait, dans un contexte d’immobilisme prolongé, se reproduire à Alger.
Le monde n’attendra pas qu’un régime à bout de souffle continue de menacer la Méditerranée, le Sahel et l’Europe.
Et si la guerre devient le prix à payer pour libérer le peuple algérien d’un système militaire fermé, alors cette guerre pourrait bien être la véritable indépendance, plus de soixante ans après une décolonisation inachevée.