Chômage au Maroc : Younes Sekkouri ou l’art de boucher les trous avec des décrets

On pensait avoir tout entendu sur le chômage au Maroc. Et puis vint Younes Sekkouri. Devant les conseillers parlementaires, le ministre de l’Inclusion économique – titre aussi long que la file des demandeurs d’emploi – a enfin osé le dire à demi-mot , « le chômage est peu soutenable à long terme ». C’est ce qu’on appelle, dans le jargon politique, une confession contrôlée. Traduction pour les non-initiés : « On rame, et la barque prend l’eau ».

Mais ne soyons pas injustes. Le ministre n’est pas venu les mains vides. Il est venu avec des décrets. Des plans. Des mots qui brillent. Des sigles à faire frémir les technocrates. Car au royaume des discours, celui qui promet un décret est roi.

Le chômage ? Un problème structurel, mais promis, on va le résoudre avec des TPE.

Sekkouri, visiblement inspiré, propose de s’attaquer à 1,6 million de chômeurs avec un programme destiné aux « très petites entreprises ». Une vision minimaliste pour un problème maximal. L’idée ? Injecter de la confiance (et quelques subventions) dans des structures qui, souvent, n’ont même pas de quoi s’offrir une imprimante. L’objectif affiché ? 50 000 emplois. Soit, à peu près, le nombre de personnes qui décrochent un « non merci, on vous rappellera » chaque semaine après un entretien.

Et pour ceux qui n’ont pas de diplôme ? La carotte publique arrive.

Grande annonce du ministre , pour la première fois depuis trois décennies, les jeunes sans diplôme auront droit aux subventions. Une noble intention qui aurait mérité un chapitre entier dans Les Misérables. Sauf que sans réforme structurelle, on crée surtout du sous-emploi, précaire et invisible, tout en affichant fièrement des chiffres de création « d’opportunités » (notez bien : ce ne sont plus des « emplois », mais des « opportunités » – plus flou, donc plus pratique).

Réformer le Code du travail ? Avec un calendrier flexible et des syndicats motivés par l’archéologie.

La réforme du Code du travail est prévue pour octobre. Pas celui de cette année, celui d’un futur indéterminé où syndicats, patronat et gouvernement parleront un langage commun autre que celui du clash. Rappelons que les précédentes tentatives ont toutes été rangées dans le tiroir des utopies constitutionnelles, entre la charte de la presse et la réforme de la retraite à 90 ans.

Des milliards, des plans, des espoirs. Et toujours un taux de chômage à deux chiffres.

Treize pour cent au niveau national. Plus de trente pour les jeunes diplômés. Ce n’est plus une courbe, c’est un plafond. Le tout sur fond de paupérisation rurale, d’exode des cerveaux, et de hausse des prix du couscous. Chaque gouvernement jure que cette fois, ça va marcher. Chaque ministre découvre, comme un stagiaire mal briefé, que le marché du travail marocain n’est pas un marché, mais un labyrinthe avec une sortie murée.

les chômeurs attendent. Les politiques expliquent. Et le ministre espère que ses PowerPoint tiendront jusqu’aux prochaines élections.

Car au fond, ce que Sekkouri a livré au Parlement, ce n’est pas un plan d’action. C’est une chronique d’un chômage annoncé, récitée avec la solennité d’un haut fonctionnaire qui sait que, dans le royaume de l’emploi fictif, le verbe est parfois plus fort que l’acte.

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