Bruxelles, août 2019 , un adolescent meurt, une patrouille passe, un gyrophare brille, et la justice, elle, fait demi-tour. Six ans plus tard, la machine judiciaire belge rend son verdict , circulez, il n’y a rien à voir.
Mehdi Bouda, 17 ans, est mort percuté par un véhicule de police lancé à près de 100 km/h dans une zone urbaine limitée à 30. La voiture avait un gyrophare allumé, mais pas de sirène. Une nuance technique, diront certains. Une exception opérationnelle, murmureront d’autres. Un détail fatal, répondront les proches du jeune Mehdi, toujours en deuil, désormais orphelins de justice.
Mardi, la chambre des mises en accusation de Bruxelles a confirmé ce que redoutaient tous ceux qui croient encore naïvement que la justice est aveugle mais équitable , non-lieu pour les policiers. Tous. Pour tout.
Pas d’homicide involontaire. Pas de traitement dégradant. Pas même un petit rappel à la loi sur les limitations de vitesse ou le devoir d’assistance à personne en danger. Rien. Nada. Circulez.
La Belgique, ce pays où les voitures de police sont plus rapides que les responsabilités
À écouter les juges, la mort de Mehdi Bouda n’est rien d’autre qu’un « malheureux accident ». Un accident à 98 km/h dans une rue piétonne. Un accident avec gyro, sans sirène. Un accident de type “personne ne portera jamais le chapeau”.
La famille est en colère, bouleversée, épuisée. Elle parle d’impunité policière. La Ligue des droits humains parle, elle, d’un système défaillant, où les poursuites policières ressemblent plus à des scènes de Fast & Furious qu’à une application encadrée du maintien de l’ordre.
Mais qu’attend-on réellement ? Un adolescent de plus écrasé par un SUV blindé ? Un procès avec figurants ? Ou mieux , une reconstitution en réalité virtuelle, financée par le budget de la police, avec effets spéciaux et bande-son dramatique ?
Quand la justice devient optionnelle
Ce n’est pas la première fois qu’un jeune homme issu des quartiers populaires meurt dans des circonstances floues sous l’action – ou l’inaction – des forces de l’ordre. Mehdi Bouda rejoint une liste déjà longue , Adil (tué à Anderlecht en 2020 lors d’une course-poursuite), Lamine Bangoura (étouffé en 2018 par des policiers venus l’expulser), Mawda (fillette kurde tuée par balle en 2018), et d’autres encore, anonymes dans les archives, mais gravés dans les cœurs des familles.
À chaque fois, la même mécanique , une procédure, une lenteur extrême, puis un non-lieu habilement formulé. Et toujours, une même logique institutionnelle , quand un policier tue, c’est un “dysfonctionnement”. Quand un civil résiste, c’est un crime.
Une tragédie, puis l’oubli organisé
La justice belge semble désormais dotée d’un logiciel d’automatisation , entrée , “adolescent décédé” – sortie , “non-lieu”. Le tout avec un rapport circonstancié, quelques lignes de compassion feutrée, et surtout l’assurance que l’ordre public a été préservé – ce même ordre qui, parfois, roule à 98 km/h dans les artères d’un centre-ville à minuit.
Ce n’est pas un procès que la famille Bouda réclamait, mais un espace pour comprendre, pour faire son deuil, pour ne pas mourir une deuxième fois sous le silence des institutions. Même cela, on le leur a refusé.
À quoi sert une justice qui ne juge plus ?
Dans ce théâtre absurde qu’est parfois notre démocratie, la scène finale est connue d’avance. On tue. On s’excuse à demi-mot. On classe le dossier. Et on recommence.
Le citoyen, lui, reste spectateur – jusqu’au jour où, peut-être, il sera à son tour sur scène.
📍 Un rassemblement est prévu dimanche à 15h, place Poelaert, devant le Palais de Justice. Peut-être pour que Bruxelles entende, pour une fois, autre chose qu’un gyrophare.