Larmes, cocaïne et mélodies perdues , le procès « Escobar du Sahara » vire au vaudeville judiciaire

Bouchaib El Bazi

Casablanca, 26 juin – Les murs de la cour d’appel ont résonné ce jeudi non pas des arguments tranchants des avocats, mais des sanglots presque lyriques d’Abdenbi Bioui, ex-président de la région de l’Oriental, désormais en première loge dans le procès tentaculaire de l’« Escobar du Sahara ». Entre deux mouchoirs, l’homme politique a nié toute implication dans le trafic de drogue. « Moi, un narco ? Mais je ne bois même pas de café après 17h ! » semblait-il vouloir crier au monde, les yeux embués, le nœud de cravate défait comme un symbole de l’effondrement moral.

Quand les notables tombent, ça fait du bruit

Aux côtés de Bioui dans le box des accusés , Saïd Naciri, autre poids lourd de la scène politique, habitué aux projecteurs mais moins à ceux des salles d’audience. L’un jurant son innocence entre deux crises de nerfs, l’autre pratiquant le silence stratégique comme un art martial. Tous deux font face à des accusations aussi lourdes qu’un dossier de marché public truqué , blanchiment d’argent, trafic international de stupéfiants, et usage très personnel de leur pouvoir régional.

Mais, comme dans toute bonne tragédie judiciaire marocaine, il fallait un rebondissement digne des feuilletons les plus haletants.

Latifa Raafat entre en scène

Oui, vous avez bien lu. La diva de la chanson marocaine, Latifa Raafat, a été convoquée comme témoin-clé. Ex-épouse – ou du moins ex-proche intime – du baron présumé de ce cartel façon western saharien, elle est appelée à la barre pour peut-être entonner un autre air , celui de la vérité. Fera-t-elle ses déclarations en mode mawwal, ou optera-t-elle pour la sobriété d’un témoignage classique ? Mystère.

Quoi qu’il en soit, la presse s’en frotte déjà les mains : entre les aveux en larmes, les noms d’artistes, les millions d’euros en jeu, et les cartels à peine déguisés en investisseurs régionaux, ce procès a tout du blockbuster judiciaire. Il ne manque plus qu’un producteur pour vendre les droits à Netflix Maghreb.

Politique, poudre et pathétique

Ce procès nous rappelle une vérité simple mais souvent refoulée , au Maroc, certains élus aiment visiblement autant la gestion des collectivités que celle des réseaux illicites. Pendant que les citoyens réclament des routes, de l’eau, des écoles, d’autres élus planifient des circuits… logistiques un peu plus « internationaux ».

Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne. Dans ce grand théâtre judiciaire, tout le monde est encore présumé innocent – sauf peut-être le bon sens collectif, lui déjà condamné à la réclusion à perpétuité.

Les coulisses du palais (de justice)

Les murmures dans les couloirs du tribunal évoquent un procès appelé à durer, avec ses drames, ses petites trahisons et ses grands déballages. Qui savait quoi ? Qui protégeait qui ? Et surtout, comment des élus locaux sont-ils devenus les figurants d’un narco-scénario saharien ?

L’entrée en scène de Latifa Raafat pourrait bien donner un nouveau souffle (vocal) à ce dossier. Si sa mémoire est aussi précise que sa voix, le tribunal risque d’avoir quelques couplets intéressants à écouter.

À défaut de faire avancer le développement régional, certains élus ont su faire voyager autre chose à travers les frontières. Heureusement, la justice, elle, ne chante pas… elle tranche. À suivre, sous haute surveillance et avec sous-titres judiciaires.

 

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