Bruxelles, une nuit de trop : quand la fuite se termine en drame

La rédaction

Un jeune motard mort. Un piéton entre la vie et la mort. Une poursuite nocturne en plein cœur de Bruxelles, sur le Boulevard du Jardin Botanique, s’est soldée ce samedi 28 juin par un drame humain. L’affaire, à première vue banale – une tentative de contrôle routier – relance pourtant une question devenue lancinante en Belgique , jusqu’où peut aller la force publique au nom de la sécurité ?

Il est 22h30 lorsque la police de la zone Bruxelles Nord repère un motocycliste qui, selon son communiqué, aurait « commis plusieurs infractions routières ». À la vue des agents, le jeune homme de 19 ans, originaire de Louvain, prend la fuite. Course à vive allure, trajectoire imprévisible, comportement jugé dangereux… Jusqu’au choc. Il percute un piéton bruxellois, également âgé de 19 ans, avant de s’écraser au sol. Le motard meurt sur le coup. Le piéton est évacué en urgence vers l’hôpital. Son pronostic vital était engagé, mais ses jours ne sont plus en danger.

Sur place, l’appareil judiciaire se met en marche : expertises, reconstitution, relevés techniques. Et une première conclusion – rapide – du parquet , « aucune erreur policière relevée à ce stade ». Rideau. Pas de commentaire supplémentaire.

Une mort, encore une

Le motard, décédé alors qu’il fuyait un contrôle, rejoint malgré lui une liste de plus en plus longue , celle des jeunes, souvent issus de milieux populaires ou périphériques, morts au cours ou à la suite d’interventions policières en Belgique. Si chaque cas est juridiquement distinct, les circonstances interpellent , poursuites en milieu urbain, refus d’obtempérer, usage de véhicules ou d’armes à feu, et une constante – l’absence systématique de responsabilité policière retenue. « Circulez, il n’y a rien à voir », pourrait-on croire.

En mai dernier, un autre jeune avait perdu la vie lors d’une course-poursuite à Liège. En avril, à Anvers, c’est un adolescent de 17 ans qui s’éteignait après un contrôle musclé. Et qui se souvient encore de Adil, 19 ans lui aussi, décédé à Anderlecht en mars 2020 après une poursuite policière ? Ces drames, épisodiques mais récurrents, interrogent la doctrine d’intervention des forces de l’ordre.

Sécurité routière ou logique d’escalade ?

Le communiqué du parquet insiste , « conduite dangereuse », « infractions constatées », « aucune faute des policiers ». Pourtant, pour les familles endeuillées, ces formules juridiques peinent à masquer une réalité plus brute , un jeune est mort pour avoir tenté d’éviter un contrôle.

Personne ne conteste la nécessité de faire respecter le code de la route. Mais faut-il risquer une collision mortelle au cœur d’un quartier densément peuplé, pour cela ? Jusqu’où une poursuite est-elle justifiée ? Existe-t-il une évaluation du rapport bénéfice/risque ? Le débat est ouvert, mais dans les faits, il reste souvent étouffé.

Vers une transparence indispensable

À Bruxelles comme ailleurs, les mécanismes d’évaluation des bavures policières souffrent d’un manque criant de transparence. Le parquet est juge et partie dans la majorité des cas, et les rapports finissent par se ressembler , justification, clôture, silence.

Des ONG comme Ligue des Droits Humains, ou encore Police Watch, appellent depuis des années à la création d’un organe indépendant d’enquête sur les décès liés aux interventions policières. Sans effet. L’affaire de ce samedi, aussi dramatique soit-elle, ne fera sans doute pas exception.

Une jeunesse sur le fil

À travers cette tragédie, c’est une jeunesse belge en tension qui se donne à voir , défiance face à l’autorité, conduite à risque, peur du contrôle. Mais aussi des institutions qui peinent à reconstruire la confiance, et une société qui accepte de plus en plus de vivre sous le sceau d’un ordre musclé, au nom de la sécurité.

Pour la famille du jeune motard, il n’y aura pas de procès. Pour le piéton, il y aura peut-être une longue rééducation. Pour la police, une intervention bien exécutée. Pour la justice, un dossier classé. Mais pour les citoyens, une question , combien de morts faudra-t-il encore pour que la Belgique s’interroge sur le coût humain de certaines méthodes policières ?

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