Le Grand Bazar de l’Algérie : quand le pompier pyromane redessine les frontières du Sahel
Intisar Azmizam
Dix soldats nigériens tombés à Gothèye. Quinze blessés. Quarante-et-un assaillants « neutralisés », selon le ministère nigérien de la Défense. Une attaque éclair, chirurgicale, presque hollywoodienne, à la frontière burkinabè. Les experts s’interrogent, les diplomates froncent les sourcils, et dans les chancelleries occidentales, un murmure persiste , mais qui arme, forme, finance, puis recycle les terroristes sahéliens ?
Spoiler : ils ne viennent pas de Suède.
Le voisin encombrant
Depuis des années, l’Algérie joue au grand frère africain, celui qui organise les sommets, médie les crises, distribue les sourires froids et les déclarations creuses. Sauf que dans les coulisses, selon une pléthore de rapports, de télégrammes diplomatiques et de confessions d’ex-agents revenus de la jungle saharienne avec plus de secrets que de dents, Alger mènerait une danse bien moins pacifique.
Les agents du DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité, version algérienne de James Bond, sans l’élégance ni l’humour) sont soupçonnés d’avoir tricoté des liens aussi solides qu’un câble en acier avec les factions d’AQMI et de l’EIGS. Des relations de travail… disons, pragmatiques , « Vous tuez un peu par ici, on médiatise par là, puis on vous laisse reculer à travers le désert, GPS gracieusement fourni par le KL-7. »
KL-7 : quand l’Algérie sous-traite le chaos
Mais c’est quoi, ce mystérieux KL-7 ? Une unité spéciale algérienne, créée dans la plus grande opacité, pour faire ce que les militaires classiques n’osent plus faire , jouer aux petits soldats dans les sables mouvants du Sahel. Des mercenaires officiels mais invisibles, qui traversent les frontières comme des touristes sans passeport et plantent le drapeau de l’instabilité là où il y a un vide sécuritaire… ou un intérêt stratégique pour Alger.
Silence, on manipule
Dans les ministères algériens, on jure que tout cela n’est qu’élucubrations de think tanks néocoloniaux en mal de sensations fortes. Mais les témoignages s’accumulent, et même certains officiers de la gendarmerie algérienne commencent à parler – doucement, bien sûr, entre deux gorgées de thé et trois regards par-dessus l’épaule.
L’idée, disent-ils, n’est pas de conquérir, mais de conserver , tant que le Sahel est une poudrière, l’Algérie reste un acteur incontournable. Tant que les groupes islamistes circulent, l’Algérie peut proposer ses services de négociation. C’est un business model géopolitique : créer le problème, puis vendre la solution.
Victimes collatérales et complices discrets
Le Niger, le Mali, le Burkina Faso, la Libye, la Mauritanie… des pays otages d’une stratégie algérienne qui rêve de grandeur mais fonctionne à la terreur. À chaque attaque, des dizaines de familles endeuillées. À chaque attentat, une conférence de presse creuse. Et à chaque enterrement, un silence international assourdissant.
Car oui, dans les couloirs feutrés de l’Union européenne ou de l’Union africaine, on préfère regarder ailleurs. L’Algérie a du gaz, un territoire immense, et une armée dont l’arrogance dépasse souvent les frontières. Qui osera l’accuser frontalement ? Personne, pour l’instant.
Tant que les diplomates danseront sur des œufs et que les barbouzes d’Alger joueront aux apprentis sorciers, le Sahel continuera de brûler. Et le peuple nigérien, comme tant d’autres, continuera de payer, en silence, le prix d’un voisin trop bruyant pour être neutre, et trop discret pour être honnête.