Algérie : accrochage à Tamanrasset, quand l’armée tire… sur elle-même

Bouchaib El Bazi

Une scène surréaliste a eu lieu la semaine dernière dans le grand sud algérien , des gendarmes ont tenté de faire leur travail. Plus incroyable encore , ce zèle a failli leur coûter la vie.

À quelques kilomètres de Tamanrasset, un contrôle de routine a tourné à l’opéra de la confusion. Trois camions bâchés, escortés par des militaires en tenue, circulant de nuit sur des pistes poussiéreuses et non référencées. Bref, un convoi pas tout à fait anodin. Les gendarmes flairent l’anomalie, lèvent la main, ordonnent l’arrêt. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que la hiérarchie n’est plus ce qu’elle était, et que dans l’armée algérienne, il vaut mieux ne pas poser de questions… surtout quand les réponses sont classées “secret-défense-pour-le-bien-de-la-nation”.

Opération « Ne pose pas de questions »

À peine le convoi immobilisé, les échanges verbaux virent à l’absurde. « Mission confidentielle », crache un officier avec l’assurance d’un acteur de série B. Traduction , « Ne touchez à rien, regardez ailleurs, et oubliez ce que vous venez de voir. » Malheureusement, les gendarmes avaient visiblement oublié qu’en Algérie, la ligne hiérarchique est un labyrinthe, et qu’on peut très bien se faire tirer dessus par un collègue payé par le même État.

Quelques secondes de tension, un doigt qui glisse, et voilà l’échange de tirs. Bref, l’armée tire sur la gendarmerie, dans le désert, en toute fraternité républicaine. Résultat , quelques blessés évacués discrètement à l’hôpital, et une consigne claire , chut, le silence est la meilleure armure.

Le Sud, terrain vague stratégique

L’affaire a été enterrée à la vitesse de la lumière. Pourtant, selon plusieurs sources locales et diplomatiques, cet incident est loin d’être isolé. Le Grand Sud algérien est devenu un far west contrebande, migration, trafic d’armes, livraison express de carburant subventionné aux groupes armés maliens. Ici, les frontières sont floues, la souveraineté est relative, et les ordres viennent parfois de généraux qu’on n’a jamais vus au journal télévisé.

Un ancien colonel exilé résume la situation avec une lucidité glaçante :

« Certains officiers ont plus d’autonomie que des ministres. Ils gèrent leur zone comme des franchises. Avec en prime la bénédiction tacite du commandement. »

On ne parle pas de rumeurs Facebook, mais bien de circuits militaires parallèles, financés par l’économie grise et protégés par des uniformes d’apparat. De Tamanrasset à In Guezzam, c’est un ballet de Toyota banalisées, de camions fantômes, et de pick-up diplomatiques sans plaques. Le tout, dans un halo de poussière, d’argent liquide, et de silence stratégique.

L’armée, cette entité aux identités multiples

La question que tout le monde se pose , qui contrôle quoi ? La réponse, elle, se dérobe entre les pistes sablonneuses. Car si les gendarmes peuvent se faire tirer dessus pour avoir fait leur travail, c’est que le travail, justement, n’est plus très clair.

L’armée algérienne est partout et nulle part. Elle combat, elle trafique, elle surveille, elle livre, elle infiltre. Elle se bat contre le terrorisme le matin, et discute peut-être logistique avec lui le soir, pour des raisons qu’on appelle pudiquement « intérêt supérieur de l’État ».

Silence radio à Alger

Comme toujours, aucune réaction officielle. Pas de conférence de presse, pas de déclaration du ministère de la Défense, pas même un tweet maladroit du porte-parole de l’armée. L’État algérien préfère l’aphonie stratégique. Il faut dire que quand on commence à expliquer pourquoi deux forces armées d’un même pays s’échangent des balles dans le désert, la pente est glissante.

Mais l’incident de Tamanrasset en dit long sur la crise de commandement au sommet. Ce n’est plus une armée, mais une nébuleuse d’unités spéciales, de corps concurrents, de généraux jaloux, chacun avec son budget, ses hommes et ses zones d’influence.

L’armée tire sur elle-même, mais toujours en toute loyauté.

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