Les cochons d’Orwell au pays des généraux : quand le Rif devient un business

Par Bouchaïb El Bazi

Il fut un temps – pas si lointain – où certains criaient haut et fort : « Le Rif d’abord, la dignité toujours ! ». Aujourd’hui, ces mêmes voix résonnent… dans les salons climatisés d’Alger, au frais des généraux, le tout en costume trois pièces, avec cravate assortie.

Nouvelle escale pour ces pseudo-militants : l’Algérie. Non pas pour faire avancer la cause rifaine, ni pour soigner les blessures d’un peuple oublié, mais pour sauver ce qu’il leur reste de postérieur politique… et monnayer ce qui pouvait ressembler, jadis, à un combat sincère.

Je me souviens encore de cette phrase que j’avais lancée, le jour où j’ai claqué la porte :

« Je serai le premier à vous embrasser les pieds si vous apportez du bien au Rif. »

Des années ont passé, et non seulement je n’ai pas embrassé de pieds… mais j’ai vu ces gens-là lécher bien d’autres choses, à commencer par les bottes des parrains du DRS.

Avant, ils portaient des t-shirts qui tenaient debout tout seuls, qu’ils lavaient à la main pour les remettre le lendemain. Aujourd’hui, ils s’affichent en costards, lunettes de soleil de marque et chaussures importées d’Albanie. Avant, on se cotisait pour louer une salle d’association à 200 euros. Aujourd’hui, ils organisent des « conférences internationales » dans les salons dorés des hôtels Hilton. Avec des frais de bouche à faire pâlir les membres de la CAF.

Tout cela, bien sûr, au nom du Rif.

Et que dire de leurs résultats ? Zéro pointé. À part quelques photos TikTok, montées en épingle par deux chaînes de propagande, ils ne servent ni la cause rifaine, ni l’opinion algérienne, ni même leur propre dignité. Ils profitent, simplement. Et l’Algérie – en toute naïveté ou cynisme calculé – paie la facture.

Prenons le cas emblématique de Ali Aarrass, relancé comme une vieille série Netflix pour combler le vide narratif. Présenté comme un « ex-prisonnier politique », ce dernier a pourtant été condamné au Maroc pour son implication dans des réseaux terroristes et des activités suspectes.

On peut toujours discuter du procès, des conditions de détention, du rôle de la Belgique… Mais faire de ce personnage controversé un symbole du Rif, c’est insulter la mémoire des vrais militants, ceux qui ont pleuré leur dignité en silence, sans passer par la case plateaux TV sponsorisés.

Ali Aarrass, c’est un peu le cheval de Troie des services algériens : une figure floue, parfaite pour occuper l’espace médiatique et servir de caution à des projets géopolitiques qui dépassent largement les montagnes rifaines.

Et autour de lui, gravitent des figures de la diaspora qui n’ont plus rien à envier aux cochons de George Orwell dans La Ferme des animaux. Ces anciens compagnons de galère, qui partageaient le pain sec et les chambres d’hôtel miteuses, se muent aujourd’hui en ambassadeurs autoproclamés, parlant au nom d’un peuple qu’ils ne côtoient plus que depuis leur écran de smartphone.

Le Rif mérite mieux. Beaucoup mieux.

Il mérite qu’on le défende avec droiture, pas avec des valises de dinars ni des discours creux écrits par des communicants du FLN.

Alors que les séparatistes en costard paradent à Alger, que reste-t-il aux vrais rifains ?

La honte ? Non. La lucidité.

Et peut-être une colère froide à l’idée que leur douleur, leur mémoire, leur combat, soient transformés en business diplomatique entre deux États rivaux.

Encadré : Qui est Ali Aarrass ?

  • Né en 1962 à Melilla, de nationalité belge-marocaine.
  • Accusé d’avoir participé à des réseaux de recrutement jihadistes entre l’Europe et le Maroc.
  • Arrêté en Espagne, extradé vers le Maroc en 2010.
  • Condamné à 12 ans de prison. Libéré en 2020.
  • Aujourd’hui promu par certains réseaux séparatistes comme “militant des droits humains”, malgré un passé trouble.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.