Les Marocains résidant à l’étranger boudent le Maroc cet été : une carte postale un peu trop salée

Bouchaib El Bazi

L’été 2025 n’a décidément pas les couleurs du drapeau marocain pour la diaspora marocaine. Les plages sont belles, le soleil est toujours au rendez-vous, mais les avions sont… à moitié vides. Un constat qui aurait été impensable il y a encore quelques années, où le retour au bled en été relevait presque d’un devoir sacré, inscrit entre deux tags de “Ryanair” et trois selfies à Tétouan.

Mais cette année, les Marocains du monde ont fait leurs valises… pour ailleurs. La raison ? Un mélange explosif de crise économique en Europe, de tarifs aériens indigestes, et d’un Maroc estival qui semble avoir confondu “accueil” avec “racket organisé”.

Un billet pour Oujda ? Non merci, je préfère Bali.

Rien qu’en consultant les prix des billets d’avion depuis Bruxelles ou Paris, on comprend vite que traverser la Méditerranée en famille coûte aujourd’hui aussi cher que s’offrir une croisière de luxe en mer Égée. Pour une famille de 4 ou 5 personnes, le calcul est vite fait : vacances au bled = prêt à la consommation.

« On reçoit chaque jour des familles qui nous disent : ‘À ce prix-là, on préfère aller à Dubaï ou en Thaïlande, au moins on est traités comme des touristes et pas comme des pigeons’, » explique M’Farraj Mohamed, directeur de RamadaTours, une agence de voyage bien connue à Bruxelles.

Le tajine à 150 dirhams et la chaise en plastique à 30

Et pour les courageux qui ont tout de même franchi le pas, c’est une autre réalité qui les attend sur place : cafés, restaurants, hôtels, même les melons ont pris le melon. Une simple sortie en bord de mer devient un exercice d’optimisation fiscale. Le fameux “consommer marocain” prend soudainement des allures de sacrifice patriotique.

Le hic, c’est que malgré les alertes, les autorités peinent à réguler ce grand n’importe quoi tarifaire. La loi du “faites ce que vous voulez, l’été c’est open bar” semble dominer. Résultat ? Les vacanciers de la diaspora commencent sérieusement à réfléchir à d’autres habitudes estivales. Certains envisagent même de faire coïncider leur retour au pays avec la prochaine CAN… espérant peut-être que l’ambiance foot fera oublier les additions salées.

Quand l’amour du pays ne suffit plus

Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement une baisse du tourisme interne. C’est le lien émotionnel, presque viscéral, entre les Marocains de l’étranger et leur terre d’origine. Ce lien qui passe aussi, ne l’oublions pas, par les milliards de dirhams transférés chaque année, par le soutien financier aux familles, par l’investissement immobilier, par la consommation locale.

Si le Maroc continue de traiter ses ressortissants estivaux comme une tirelire ambulante, le risque est grand : celui de voir la nostalgie se transformer en indifférence, et le retour annuel se diluer dans les palmiers d’ailleurs.

À trop vouloir faire payer le tajine, on risque de perdre le client. Et pas n’importe lequel : celui qui revenait chaque année, les bras chargés de cadeaux, le cœur plein de souvenirs… et la valise pleine de devises.

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