Mohammed VI, un quart de siècle de règne : entre constance monarchique et vision stratégique
Bouchaib El Bazi
Par-delà les fastes du rituel, la monarchie marocaine trace son avenir à pas sûrs. Le 31 juillet au soir, dans l’éclat solennel de la cérémonie du serment d’allégeance, Mohammed VI entamait sa vingt-sixième année de règne, mêlant sacré et politique, héritage dynastique et gouvernance d’État.
Le discours royal adressé à la Nation, en cette fin de juillet, n’est pas une simple tradition institutionnelle. Il est devenu, au fil des ans, une boussole stratégique, où se croisent l’analyse lucide du présent, la projection d’un avenir maîtrisé, et la réaffirmation d’un cap politique clair : consolider la souveraineté du Royaume, affermir sa place dans le concert des nations, et affronter avec méthode les défis structurels du pays.
Sahara : les certitudes d’une diplomatie offensive
Dans un contexte régional miné par des tensions persistantes, le roi a mis en lumière les acquis récents de la diplomatie marocaine, notamment le soutien explicite du Royaume-Uni et du Portugal à la marocanité du Sahara. Deux positions qui, selon le souverain, s’inscrivent dans le fil historique de la légitimité territoriale du Maroc. La reconnaissance est venue renforcer un socle déjà solide, où figurent l’Espagne, la France et de nombreuses capitales africaines et latino-américaines.
Loin de toute posture défensive, Rabat déploie une diplomatie de conviction, construite sur la retenue, l’ouverture au dialogue, et la légalité internationale. Le discours royal en fait foi : il s’agit d’élargir le cercle des soutiens, y compris parmi les États dits « hésitants », en combinant argumentaire historique, coopération économique et influence culturelle.
Un royaume d’afro-atlanticité assumée
Mohammed VI n’a jamais caché sa volonté de repositionner le Maroc comme acteur pivot de la région atlantique – méditerranéenne et africaine. En témoignent les récentes percées économiques en Afrique de l’Ouest, les partenariats industriels à visée stratégique, et l’ambition d’ancrer durablement le Royaume dans les chaînes de valeur continentales. Ce mouvement géopolitique s’accompagne d’un recentrage structurel : souveraineté énergétique, agriculture durable, relance industrielle, digitalisation des services publics.
La politique extérieure du Maroc s’imbrique ainsi dans une architecture complexe : sécuritaire avec l’Europe, économique avec l’Afrique, stratégique avec les États-Unis et certains pays asiatiques, et surtout fondée sur un modèle de coopération mutuellement bénéfique. La fameuse équation « gagnant-gagnant » brandie depuis plus d’une décennie trouve ici sa déclinaison opérationnelle.
Le pouvoir, une affaire de transmission et de formation
Lors de la cérémonie d’allégeance, le roi a présidé la remise des galons aux nouveaux officiers des forces armées. Cette année, la promotion a été baptisée du nom hautement symbolique du sultan Ahmed Al Mansour Ad-Dahbi. Un clin d’œil assumé à l’âge d’or de l’empire chérifien, au temps de l’expansion sahélienne et des alliances européennes.
Parmi les jeunes gradés, une figure s’est démarquée : le prince héritier Moulay El Hassan, promu au rang de colonel-major. Une distinction militaire qui consacre un parcours de formation rigoureux, mais aussi la continuité institutionnelle d’un pouvoir monarchique modernisé, préparant la relève avec méthode et gravité.
L’État social, ou le second pilier de la souveraineté
Au-delà de la géopolitique, le roi a insisté sur la dimension sociale du projet monarchique : développement du monde rural, réforme de la santé, généralisation de la couverture sociale, et lutte contre la précarité. Ces engagements ne relèvent pas d’un agenda conjoncturel. Ils répondent à une exigence de long terme : transformer la souveraineté politique en souveraineté économique et sociale.
La monarchie entend ainsi relier la responsabilité à la redevabilité. Chaque réforme fait l’objet d’un suivi rigoureux. L’État ne se contente plus de légiférer : il évalue, corrige, et s’engage sur des résultats. Une méthode managériale assumée, qui impose discipline et efficience à l’ensemble des corps intermédiaires.
Gaza dans le cœur du Trône
Dans une touche humaniste, le roi Mohammed VI a rappelé que la solidarité n’est pas qu’un slogan diplomatique. Il a ordonné l’envoi d’une aide humanitaire d’urgence à Gaza, ravagée par une guerre dévastatrice. Le Maroc, fidèle à son rôle de président du Comité Al-Qods, continue de porter la voix de la justice pour la Palestine, en alliant diplomatie discrète et gestes concrets.
Vers une renaissance maghrébine ?
Enfin, le roi a esquissé un appel à la réactivation de l’Union du Maghreb Arabe, figée depuis des décennies. Le message est clair : les défis globaux appellent à une intégration régionale forte, qu’il s’agisse de résilience énergétique, de défense collective ou de mobilité des talents. Ce rêve d’un Maghreb uni, Mohammed VI ne l’abandonne pas – même si les vents sont contraires.
Une monarchie en mouvement
Le discours du 31 juillet n’est ni un manifeste idéologique ni un simple exercice de style monarchique. C’est un acte de gouvernance lucide, enraciné dans l’histoire mais résolument tourné vers l’avenir. Mohammed VI gouverne par la vision, par la stratégie, et par l’exemplarité. Un quart de siècle plus tard, la monarchie marocaine n’est pas une relique : elle est un moteur.