Algérie : Une Vague de Déportations Massives Dénoncée comme « Crime contre l’humanité »
Bouchaib El Bazi
Alger – Une nouvelle opération de grande envergure menée cette semaine par les autorités algériennes suscite une vive indignation parmi les organisations de défense des droits humains. Selon le collectif « Alarm Phone Sahara », qui suit de près les routes migratoires dans la région du Sahel, plus de 21 574 personnes, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne, ont été expulsées en l’espace d’une seule journée vers le Niger, dans ce qui est décrit comme la plus grande vague d’expulsions jamais enregistrée en Algérie.
Des expulsions massives motivées par une triple crise
Selon le même collectif, cette opération brutale s’inscrit à l’intersection de trois dynamiques alarmantes : une crise politique interne persistante, une pression sécuritaire croissante sur les frontières sud, et des tensions régionales exacerbées par l’implication présumée de l’Algérie dans le soutien à certaines factions armées opérant au Sahel.
Les autorités algériennes auraient ainsi instrumentalisé la question migratoire pour détourner l’attention de la population nationale d’un climat social et économique en déliquescence, tout en projetant une image d’autorité implacable vis-à-vis de ce qu’elles présentent comme une « menace étrangère ».
Des conditions inhumaines et des violations flagrantes du droit international
Le récit des expulsés fait état de conditions inhumaines. Escortés par les forces de sécurité et les services de renseignement militaires, plus de 21 500 migrants, auxquels s’ajoutent 471 ressortissants originaires du Bangladesh, ont été forcés de parcourir à pied une distance de 37 kilomètres dans le désert, sans eau ni nourriture, pour atteindre la ville d’Assamaka, située à la frontière nigérienne.
Ces pratiques, qui bafouent les principes fondamentaux du droit international humanitaire et les conventions relatives aux droits des migrants, ont été largement condamnées. Pour Laurent Brunel, spécialiste des dynamiques migratoires en Afrique du Nord, cette expulsion massive « ne constitue pas seulement un record tragique, mais une véritable barbarie contemporaine, digne d’époques que l’on croyait révolues ».
Un discours xénophobe légitimé par le pouvoir algérien
Dans une déclaration publique, Laurent Brunel accuse le régime algérien de manipuler l’opinion publique à travers un discours xénophobe à l’égard des Africains noirs, présenté comme une stratégie politique visant à restaurer une légitimité intérieure en perte de vitesse.
« La junte militaire recourt à une politique de bouc émissaire, transformant les migrants africains en cibles idéales pour détourner l’attention de l’échec économique et social. Le discours sécuritaire justifie tout, même l’injustifiable », affirme l’expert.
Selon lui, cette approche s’inscrit dans une double logique cynique : d’une part, créer un ennemi externe pour mobiliser la population autour de l’État, et d’autre part, renforcer le pouvoir des appareils sécuritaires, seuls garants apparents de la « souveraineté nationale ».
Une responsabilité internationale engagée ?
De nombreuses ONG régionales et internationales appellent désormais à une enquête indépendante sur ces expulsions, pointant la nécessité d’établir les responsabilités juridiques et politiques. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a, de son côté, exprimé une profonde préoccupation quant au sort des personnes déportées et à la récurrence de telles pratiques dans les pays du Maghreb.
Face à l’ampleur de cette crise humanitaire silencieuse, certains analystes évoquent même la possibilité de sanctions ciblées contre les responsables algériens impliqués dans l’organisation de ces expulsions, si aucune réponse nationale sérieuse n’est engagée.
Une crise morale aux frontières de l’Algérie
Alors que le pays se replie sur lui-même dans une logique autoritaire et militarisée, les expulsions massives de migrants noirs africains marquent un nouvel abîme éthique dans la gestion des flux migratoires. Loin d’être un simple enjeu de sécurité, la politique migratoire algérienne devient un outil de propagande interne et un révélateur inquiétant d’un régime en perte de cap.