Le Maroc renforce sa souveraineté numérique : le général Abdellah Boutrik nommé à la tête de la cybersécurité nationale

Bouchaib El Bazi

Dans un contexte marqué par l’intensification des menaces cybernétiques, le roi Mohammed VI a procédé à la nomination du général Abdellah Boutrik à la tête de la Direction de la sécurité des systèmes d’information (DSSI). Cette décision stratégique illustre la volonté du Royaume de franchir un cap décisif dans le renforcement de sa souveraineté numérique et de sa capacité de résilience face aux nouvelles formes de guerre hybride.

Une nomination hautement stratégique

Selon des experts en sécurité, cette désignation intervient à un moment où les attaques informatiques contre les institutions marocaines connaissent une recrudescence inquiétante. Pour le chercheur en études stratégiques et sécuritaires, Mohamed Tayyar, cette décision « envoie un signal clair , la cybersécurité figure désormais parmi les priorités absolues de la sécurité nationale ».

Le général Boutrik, diplômé de l’Académie royale militaire de Meknès et ingénieur formé à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée, possède une double expérience technique et militaire. Ayant occupé plusieurs postes clés, dont celui de directeur de l’assistance, de la formation et du contrôle à la DSSI, puis celui de sous-inspecteur des télécommunications, il dispose d’une connaissance fine des besoins opérationnels de la défense marocaine en matière de cybersécurité.

Cyberguerre et défense nationale , un nouveau paradigme

Le choix d’un profil militaire et technique illustre la prise de conscience par l’État que la cyberguerre est devenue un prolongement des conflits traditionnels. Pour Tayyar, « seule une direction capable d’articuler étroitement l’ingénierie numérique et la stratégie militaire peut doter le pays d’une défense cybernétique efficace ».

La DSSI, relevant de l’Administration de la défense nationale, travaille déjà à l’élaboration d’une nouvelle stratégie nationale de cybersécurité. Celle-ci vise à protéger les réseaux sensibles, renforcer la coopération avec les institutions publiques et privées, et consolider la résilience face aux menaces visant des secteurs névralgiques tels que les banques, l’énergie, les médias ou encore les services administratifs.

Des menaces en constante progression

Le ministre délégué auprès du chef du gouvernement chargé de l’Administration de la défense nationale, Abdellatif Loudiyi, rappelait récemment que le Maroc a enregistré 644 cyberattaques documentées en moins d’un an, dont 134 nécessitant une intervention directe des équipes spécialisées. Les institutions publiques, les organismes de sécurité sociale, mais aussi les sites stratégiques liés au foncier ou à l’emploi ont été ciblés.

Des rapports internationaux confirment cette tendance. La société spécialisée Cleafy a classé le Maroc en tête des pays africains touchés par le logiciel malveillant PlayPraetor, tandis qu’Interpol identifie régulièrement le Royaume parmi les cibles les plus exposées du continent.

Les défis de demain

Malgré les avancées notables, les analystes soulignent encore des faiblesses structurelles , pénurie de compétences pointues dans des domaines comme l’ingénierie inverse, budgets insuffisants pour la modernisation des infrastructures, et recours persistant à des systèmes informatiques obsolètes dans certains secteurs stratégiques.

Face à ces vulnérabilités, la nomination du général Boutrik marque une étape importante. Elle traduit la volonté du Maroc de se positionner comme un acteur régional majeur de la cybersécurité, capable non seulement de protéger ses infrastructures critiques, mais aussi de proposer une expertise exportable à l’échelle africaine et méditerranéenne.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.