Polisario : entre démonstration militaire et dérive politique, Alger face à un dilemme inédit

Par Bouchaib El Bazi

Selon un rapport publié par le site spécialisé Sahel Intelligence, le Front Polisario traverse une phase de mutations profondes qui l’amènent à agir de plus en plus selon sa propre logique, en marge des priorités algériennes. Cette évolution fragilise la position du général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, confronté à un défi sans précédent.

Des attaques aux allures de mise en scène

Au cours des derniers jours, le Polisario a revendiqué plusieurs attaques contre des positions de l’armée marocaine le long du mur de défense au Sahara marocain. D’après l’agence SPS, ces opérations auraient visé notamment un poste de commandement dans la zone de Grarat al-Atassa à Mahbès, ainsi que des positions à Hauza, en prétendant infliger des « pertes importantes ».

Mais derrière cette rhétorique de la « résistance armée », les faits semblent pointer vers des actions spectaculaires mais stériles. Lundi, les Forces armées royales (FAR) ont annoncé avoir déjoué deux tentatives d’incursions menées par neuf combattants du Polisario, appuyés par trois véhicules tout-terrain, infiltrés depuis la frontière mauritanienne.

Selon des sources marocaines, un premier groupe a été neutralisé par une frappe de drone, qui aurait tué trois assaillants. Une seconde opération a vu la destruction par l’artillerie d’un véhicule dans la zone d’Aousserd, faisant trois morts supplémentaires. Le quotidien espagnol La Razón a confirmé que ces deux tentatives s’étaient soldées par six morts et plusieurs véhicules détruits côté Polisario.

Un mouvement en quête d’autonomie

Pour plusieurs analystes, ces opérations témoignent d’une dynamique inquiétante :

« Le Polisario devient un quasi-État parallèle, mû par une logique d’extorsion politique et militaire », relèvent-ils.

Cette autonomisation place Alger dans une position délicate , poursuivre son soutien traditionnel à la milice au risque d’être accusée de déstabiliser la région, ou la considérer comme un acteur rebelle échappant à son contrôle.

Le spectre d’une instabilité régionale

Ces développements coïncident avec les alertes émises par la communauté internationale sur l’aggravation des menaces sécuritaires au Sahel. Dans cette zone où prolifèrent les groupes armés, parfois soutenus par des puissances extérieures comme l’Iran, le Polisario pourrait, par son émancipation, devenir un facteur supplémentaire de déstabilisation.

Parallèlement, un collectif d’ONG sahraouies a publié un rapport accablant, dénonçant les violations massives commises par le Polisario dans les camps de Tindouf , meurtres, tortures, disparitions forcées. Publié à l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, le document appelle l’Algérie à ratifier les conventions internationales et à autoriser des missions indépendantes dans les camps.

Un dilemme algérien

Ce constat met Alger face à une équation complexe. Le mouvement qu’elle a longtemps protégé et financé s’est mué en entité semi-autonome, dotée de ses propres institutions et d’une stratégie parfois en décalage avec les intérêts du régime militaire.

Tandis que la région du Sahel s’enfonce dans une instabilité chronique, la dérive du Polisario risque de transformer le mouvement en un acteur incontrôlable, menaçant la sécurité des populations locales autant que celle des États voisins.

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