La Chambre des représentants, ce lieu où les débats politiques s’entrechoquent parfois avec la réalité des absentéistes et des absences qui pèsent lourd. Mercredi matin, l’opposition y a déploré l’absence du Premier ministre Bart De Wever lors de la commission des Relations extérieures, un vide étrange qui n’a échappé à personne, ni aux députés, ni aux citoyens.
L’accord conclu en cabinet restreint (kern) sur la question de Gaza, un sujet brûlant, a suscité des attentes légitimes. Pourtant, à la place de l’organe exécutif censé porter la parole du gouvernement, c’est un vide sidéral qu’ont retrouvé les parlementaires. Le Premier ministre, loin de la Commission, se trouve… aux Pays-Bas, explique la présidente de la commission, Els Van Hoof (CD&V). Une absence géographiquement justifiée, mais politiquement acerbe. Et comme une cerise sur le gâteau de l’ironie, un courrier a été envoyé à Peter De Roover pour organiser une nouvelle réunion. Peut-être un peu trop tard pour un débat qui semblait urgent.
« Une absence incompréhensible et scandaleuse » : L’opposition sur le pied de guerre
L’opposition, bien sûr, ne laisse pas passer la balle. D’emblée, Lydia Mutyebele (PS) fustige l’attitude du Premier ministre, soulignant qu’il « détricote » l’accord. Et quand on parle de « détricoter », on touche là à la notion de crédibilité : comment le gouvernement peut-il espérer défendre un accord quand son propre chef choisit de l’ignorer? Pierre-Yves Dermagne, chef de groupe socialiste, qualifie cette absence de « scandaleuse », la comparant à une double esquive. « Deux fois en deux mois, Bart De Wever envoie un doigt d’honneur à la commission », s’indigne-t-il. Un parallèle que l’on peine à qualifier autrement que de « piquant ».
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Peter Mertens (PTB) n’est pas en reste et, fidèle à son style incisif, parle même d’un « manque de respect du travail parlementaire ». Les mots sont durs et la frustration palpable. Dans ce contexte, il devient difficile de ne pas imaginer l’agacement des parlementaires de l’opposition face à cette absence à un moment où la diplomatie belge est mise à l’épreuve sur la scène internationale.
Le « respect du travail parlementaire » : un principe de la majorité?
Pourtant, et c’est là où la situation prend un tour presque théâtral, au sein même de la majorité, les voix se lèvent pour défendre l’absence de Bart De Wever. Benoît Lutgen (Les Engagés) et Michel De Maegd (MR) préfèrent détourner le tir en arguant qu’une telle absence ne nuit pas à la position du gouvernement. « Je n’ai pas besoin qu’il soit là pour connaître la position du gouvernement », assène Lutgen, comme un chef d’orchestre égaré qui cherche à rassurer ses musiciens en plein fausse note. La question, bien entendu, demeure : si la position du gouvernement est si évidente, pourquoi alors cette fuite en avant, ce retrait du Premier ministre? Une absence qui donne un parfum de dilettantisme politique, malgré les assurances de Lutgen.
Michel De Maegd, pour sa part, va plus loin en qualifiant l’attitude de l’opposition de « absurde ». Peut-être une tentative de dégonfler le ballon de baudruche de la colère, mais là encore, c’est un argument qui semble fragile. Si l’opposition est absurde, ne faudrait-il pas se demander pourquoi elle est si remontée?
Maxime Prévot : Le seul ministre présent, et sa version du dossier
Heureusement pour les députés en quête de réponses, le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot est arrivé pour rectifier le tir. Lui, tout sourire et certitude, a tenté de mettre fin au suspense. La reconnaissance de la Palestine, assure-t-il, se fera en deux actes. D’abord un acte politique et diplomatique avec la fameuse déclaration de New York, puis, dans un second temps, une formalisation légale, mais uniquement après la libération des otages israéliens et l’éviction du Hamas de la gestion de la Palestine. Deux étapes qui semblent bien éloignées, mais qui, sur le papier, visent à garder une forme de diplomatie contrôlée.
« Les deux éléments sont dans l’accord », a précisé le vice-Premier ministre des Engagés, en insistant sur le fait que le communiqué de presse publié précédemment n’était rien d’autre que la retranscription exacte de l’accord. Voilà qui devrait, théoriquement, apaiser les esprits. Mais l’opposition, bien sûr, voit dans ce discours diplomatique une tentative de communication trop lisse, trop calculée. L’idée de « mauvaise foi » semble imprégner l’atmosphère, comme un parfum tenace que le gouvernement peine à dissiper.
La « divergence sur le plan communicationnel » : un oxymore politique
Rien de tel, bien sûr, qu’un petit clivage interne au sein de la majorité pour pimenter le tout. Prévot, tout en rassurant sur l’unité du gouvernement, évoque une divergence avec le président du MR, Charles Michel, « sur le plan communicationnel », mais « pas sur le fond ». Voilà une expression qui fera sourire plus d’un observateur. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’une divergence « communicationnelle » sinon un artifice pour désamorcer un désaccord plus profond? Mais il serait vain de chercher à y voir plus clair, car cette différence de ton pourrait n’être qu’un mal nécessaire dans le grand ballet politique où la communication prime plus que le fond.