Au mois d’août dernier, les réseaux sociaux ont été le théâtre d’une vague intense de désinformation et de campagnes de manipulation visant particulièrement plusieurs pays arabes. Selon l’indice de la plateforme de vérification « Mespair », le Maroc figure parmi les pays les plus ciblés.
La plateforme a publié plus de 168 vérifications d’information sur l’actualité de la région arabe et du monde. Le constat est sans appel , environ 139 contenus étaient trompeurs et 28 complètement falsifiés. Dans ce classement, la Syrie arrive en tête (31 cas), suivie de l’Égypte (21) et de la Palestine (15). Avec 12 cas recensés, le Maroc occupe la cinquième position, devant l’Arabie Saoudite et le Liban.
Quand les avancées diplomatiques deviennent une cible
Le Maroc est devenu l’un des terrains privilégiés des opérations de désinformation, notamment depuis les percées diplomatiques enregistrées sur la question du Sahara. Les campagnes de manipulation cherchent à miner la confiance dans les institutions marocaines, en recourant à des méthodes numériques sophistiquées qui s’apparentent aux nouvelles formes de guerres informationnelles.
Les thèmes politiques arrivent largement en tête (117 contenus vérifiés), suivis par les sujets politiques (40), sportifs (6), ou encore liés à la religion, aux voyages et aux technologies.
Parmi les exemples les plus frappants, la main tendue du roi Mohammed VI à l’Algérie, exprimée dans son discours du 30 juillet dernier, a suscité un large écho sur les réseaux sociaux. Rapidement, une vidéo trompeuse attribuée au président Abdelmadjid Tebboune a circulé comme prétendue réponse. Les vérifications ont établi qu’il s’agissait en réalité d’un extrait datant de 2021.
Une stratégie en trois actes
Des observateurs sur X (ancien Twitter) soulignent que la machine de propagande suit souvent un schéma récurrent , invention de la fausse information sur des plateformes obscures, relais par certains médias internationaux, puis amplification par les « armées numériques ».
Ainsi, des journaux comme El Español, El Independiente ou encore Le Monde ont relayé des récits autour d’un supposé « conflit des appareils » ou d’une « fin de règne », aussitôt repris par des figures séparatistes telles que Rachid El Ouali dit “Er Radi El Lili”, ou par des relais médiatiques pro-polisario.
Désinformation « sophistiquée » : du deep fake au dark PR
Plus pernicieux encore, certaines opérations empruntent des techniques élaborées comme le « Information Laundering » (blanchiment de l’information). L’idée consiste à glisser une donnée falsifiée dans un contexte apparemment crédible.
Un exemple cité , un article du Centre d’études d’Al Jazeera consacré au projet de tunnel Maroc-Espagne. Derrière un ton positif, le texte affirmait que le coût du projet atteignait 30 milliards de dollars, attribuant ce chiffre – erroné – à la société chargée des études. En réalité, les estimations varient entre 6 et 15 milliards selon les analyses techniques. Ce type de manipulation, qualifié de « Dark PR », illustre une stratégie subtile , enrober le faux d’un vernis de crédibilité pour fragiliser le discours officiel.
Un enjeu collectif
La multiplication des campagnes de désinformation rappelle que les fake news ne constituent pas une simple nuisance numérique mais bel et bien un outil géopolitique. Elles visent à déstabiliser les sociétés, miner la cohésion nationale et entamer la confiance des citoyens dans leurs institutions.
Face à ce défi, de nombreux experts estiment que la riposte doit être collective :
- des médias publics plus proactifs dans la vérification et l’explication,
- des lois dissuasives contre la diffusion intentionnelle de fausses nouvelles,
- et surtout, un renforcement de l’éducation numérique afin que les citoyens développent des réflexes critiques face aux contenus en ligne.
Le Maroc, qui a démontré à plusieurs reprises sa résilience interne, ne fait pas exception , la bataille contre la désinformation ne se gagne pas seulement sur le terrain diplomatique ou sécuritaire, mais aussi sur celui de la vigilance citoyenne.