Algérie : Ben Grina relance la polémique en évoquant une « frontière avec Tindouf »
Hanane El Fatihi
Alger – Les déclarations récentes d’Abdelkader Ben Grina, chef du parti islamo-populiste Bina al-Watani, ont suscité une vive controverse en Algérie et au-delà. Lors d’une conférence de presse organisée à l’issue de l’université d’été de sa formation, l’ancien candidat à la présidentielle a affirmé que Tindouf ne relevait plus de la souveraineté algérienne, mais s’apparentait désormais à un « État voisin dirigé par le Front Polisario ».
Une « frontière avec Tindouf »
Dans un passage qui a fait le tour des réseaux sociaux, Ben Grina a listé ce qu’il considère comme les frontières actuelles de l’Algérie :
« Nos frontières sont avec la Tunisie, la Libye, le Mali, le Niger, Tindouf et le Maroc. »
Cette formulation inédite, qui assimile Tindouf à une entité indépendante, a été interprétée par nombre d’observateurs comme une reconnaissance implicite que la présence du Polisario dans la région échappe désormais au contrôle de l’État algérien.
Silence officiel, tumulte médiatique
Fait notable, ni les autorités ni les médias publics n’ont réagi à ces propos, alors que sur les réseaux sociaux, la colère a explosé. Certains internautes ont accusé le chef du parti Bina de « porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie », tandis que d’autres ont vu dans cette sortie une « bombe politique » ou, au contraire, un « ballon d’essai » destiné à tester l’opinion publique sur une hypothétique « solution Tindouf ».
Une lecture embarrassante pour le régime
Proche du pouvoir et soutien affiché d’Abdelmadjid Tebboune lors de l’élection présidentielle de 2024, Ben Grina est considéré comme un fin connaisseur des arcanes du régime. D’où l’embarras suscité par ses propos , en évoquant Tindouf comme un État de facto, il a mis en lumière l’impasse stratégique dans laquelle se trouve Alger, engluée depuis des décennies dans son soutien coûteux au Polisario.
https://x.com/oualido/status/1963197372466352402
Certains analystes estiment que cette sortie pourrait refléter un débat interne au sommet de l’État , comment se débarrasser d’un fardeau politique, diplomatique et financier qui pèse lourdement sur l’image et l’économie de l’Algérie, sans perdre la face ?
Des critiques annexes, mais révélatrices
Au-delà de la « bombe de Tindouf », Ben Grina a aussi décoché des flèches au président Tebboune, accusé d’avoir été « trompé par ses ministres » depuis 2020 à travers des chiffres falsifiés. Il a notamment rappelé le discours à l’ONU en 2023, où le chef de l’État avait affirmé que l’Algérie produisait 1,3 milliard de m³ d’eau dessalée par jour, une donnée qualifiée alors d’« fantaisiste » par les experts.
Il a également critiqué sévèrement le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, accusé de monopoliser l’action diplomatique et de réduire son ministère à un simple rôle administratif.
Une équation à haut risque
Reste que l’essentiel de la polémique demeure l’évocation de « frontières avec Tindouf ». Si certains y voient une simple maladresse de langage, d’autres estiment que Ben Grina a, volontairement ou non, levé le voile sur une vérité dérangeante , l’Algérie a perdu une partie de sa souveraineté dans cette zone, désormais dominée par le Polisario.
Cette affirmation, lourde de conséquences, alimente les spéculations sur l’avenir des relations entre Alger et son protégé, et sur la capacité du régime à gérer un dossier devenu explosif.