De la politique à l’humanité : lecture des significations de la décision marocaine d’autoriser Nasser Zefzafi à assister aux funérailles de son père
Par Bouchaib El Bazi
Rabat – Dans un moment empreint de forte symbolique, les autorités marocaines ont permis à Nasser Zefzafi, figure du mouvement connu sous le nom de « Hirak du Rif », de quitter temporairement sa cellule afin d’assister aux funérailles de son père à Al Hoceima. Ce qui, à première vue, peut sembler être une simple mesure administrative, prend en réalité la forme d’un geste hautement politique et humanitaire. Il révèle une conception de l’action publique où la dignité humaine reste au centre, tout en mettant en lumière les limites des discours critiques souvent véhiculés à l’étranger au sujet du Maroc.
La dimension humaine de l’événement
Le départ de Nasser Zefzafi de la prison de Tanger pour rejoindre son village natal d’Ajdir a constitué un instant rare , les murs d’une institution pénitentiaire s’ouvrant sur un droit fondamental, celui de dire adieu à un parent. L’image a frappé les esprits , un cortège massif, des voix émues, mais surtout une parole simple et lourde de sens, prononcée par l’intéressé lui-même , « Rien n’est au-dessus de l’intérêt de la patrie ». En une phrase, la frontière entre le détenu et l’État s’est estompée, transformant un geste administratif en acte de réconciliation symbolique.
Le droit et la dignité en équilibre
La décision de l’administration pénitentiaire ne se limite pas à l’application stricte de la loi. Elle s’inscrit dans une approche élargie de la justice qui intègre la dimension humaine. Elle illustre que l’exécution d’une peine n’équivaut pas à l’effacement des liens familiaux, et que la préservation de la sécurité collective ne saurait se faire au détriment de la compassion. Ce geste reflète l’esprit de la Constitution de 2011, qui place les droits et libertés au cœur du projet national, et s’inscrit dans la continuité d’un parcours de réformes entamé depuis l’expérience pionnière de l’Instance Équité et Réconciliation.
Un contre-discours face aux critiques externes
L’épisode a également constitué un moment de vérité face aux critiques récurrentes d’acteurs extérieurs et d’organisations politisées. Les accusations de « répression systématique » ou de « déni des droits » trouvent ici leurs limites , quel État autoritaire aurait permis à un détenu condamné dans une affaire sensible de se rendre aux obsèques de son père sous les yeux du pays et du monde ? Par ce geste, le Maroc a apporté une réponse pratique et tangible, qui dépasse le champ des communiqués et des rapports pour toucher le réel.
La portée politique et symbolique
Le message délivré par Zefzafi lui-même a renforcé la dimension politique de l’événement. En déclarant que la nation demeure au-dessus de toutes les blessures, il a non seulement invalidé les narratifs victimaires exploités par certains acteurs, mais il a aussi réaffirmé l’idée que le conflit politique reste borné par l’appartenance commune à un même espace national. La concordance entre la décision de l’État et la parole du détenu a produit une synergie rare où se sont conjuguées raison d’État et humanité.
Vers un modèle marocain des droits humains
Au-delà de l’instant, cette séquence illustre la volonté du Maroc de construire un modèle singulier en matière de gouvernance des droits humains , un modèle graduel, pragmatique et enraciné dans la réalité nationale. Du travail de mémoire mené par l’Instance Équité et Réconciliation aux réformes judiciaires, en passant par des mesures concrètes comme celle accordée à Nasser Zefzafi, le pays s’efforce de concilier stabilité institutionnelle et ouverture démocratique.
La sortie temporaire de Nasser Zefzafi pour assister aux funérailles de son père dépasse de loin la seule sphère familiale. Elle représente une leçon de gouvernance , un État peut être à la fois ferme et compatissant, rigoureux et humain. Dans ce choix, le Maroc a montré que la politique ne se réduit pas aux rapports de force ; elle peut être aussi un acte d’humanité, capable de panser les blessures et de refonder la confiance entre l’État et le citoyen.