Kasserine (Tunisie) – Sous un ciel chargé de douleur et de colère, des milliers d’hommes et de femmes ont accompagné samedi le cercueil d’Abdelkader Dhibi, 35 ans, tué mardi dernier à Marseille par des tirs policiers. Le cortège funèbre, parti du domicile familial dans la localité de Dhachra, a traversé les ruelles jusqu’au cimetière d’Oulad Boualaq (délégation de Zahour, gouvernorat de Kasserine), dans une atmosphère où se mêlaient indignation et larmes.
Son frère, la voix brisée, a résumé le sentiment collectif , « Il est mort en homme, il a fait face aux balles sans tourner le dos. Tous les Tunisiens, du nord au sud, l’ont aimé ». Pour beaucoup, Abdelkader n’était pas seulement une victime, mais le symbole d’une dignité bafouée à l’étranger.
Une mort qui secoue les deux rives de la Méditerranée
Mardi dernier, à Marseille, Abdelkader Dhibi, en situation régulière en France, a été abattu par des policiers après avoir blessé cinq personnes au couteau lors d’une violente altercation. Selon les premiers éléments, le drame aurait éclaté à la suite d’un différend avec le propriétaire d’un hôtel qui l’aurait expulsé pour loyers impayés. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montrent un affrontement chaotique , Dhibi, ensanglanté, armé d’un couteau, face à une dizaine d’hommes munis de bâtons et de chaises, avant l’intervention policière fatale.
À Kasserine, beaucoup contestent la nécessité d’un recours aussi immédiat et létal à la force. « C’est l’abus de trop », dénonce Imed Soultani, de l’association La Terre pour Tous, active sur les questions migratoires. « Ce n’est pas la première fois que des Tunisiens sont victimes de traitements brutaux. On attend des actes, pas seulement des discours ».
Une réaction tunisienne inhabituelle
Face à l’onde de choc, Tunis a adopté une position diplomatique ferme. Mercredi soir, le ministère des Affaires étrangères a convoqué le chargé d’affaires de l’ambassade de France pour lui adresser une protestation « vigoureuse » et exiger une enquête « rapide et exhaustive ». Une rupture avec la prudence habituelle de la diplomatie tunisienne vis-à-vis de ses partenaires européens.
« Cette fois, l’État tunisien n’a pas voulu laisser passer », analyse un observateur politique. « Le discours officiel insiste sur le caractère ‘injustifié’ de l’acte, ce qui témoigne