L’or de Guelmim : vers une redéfinition de la géoéconomie minière du Maroc

Majdi Fatima Zahra

La récente découverte de filons aurifères de haute qualité dans la région de Guelmim, annoncée par la plateforme Discovery Alert, marque une étape décisive dans la trajectoire minière du Maroc. Cet événement, au-delà de sa portée économique immédiate, illustre l’intégration progressive du Royaume dans les chaînes de valeur mondiales des métaux stratégiques et confirme son rôle émergent comme acteur central dans l’économie verte et les industries de haute technologie.

Un gisement à fort potentiel géologique

Les travaux de terrain réalisés par une équipe spécialisée ont mis en évidence un réseau de 34 filons de quartz aurifères, atteignant des profondeurs supérieures à 100 mètres et des largeurs de surface variant entre 40 centimètres et 1,5 mètre. Les échantillons prélevés affichent des teneurs spectaculaires, comprises entre 6 et 300 grammes d’or par tonne, ce qui place le site de Guelmim parmi les découvertes les plus prometteuses d’Afrique du Nord au cours de la dernière décennie.

La géologie régionale confère une dimension supplémentaire à cette découverte. Située au cœur de l’Anti-Atlas, à proximité de l’ancien lit du fleuve Drâa, la zone était historiquement réputée pour ses dépôts aurifères alluvionnaires. La confirmation de filons primaires suggère que les orpaillages ancestraux tiraient leur source de ces roches mères, inscrivant la découverte dans une continuité historique et patrimoniale.

Une opportunité dans un contexte global compétitif

Le moment de cette annonce n’est pas anodin. Sur fond de rivalité mondiale pour l’accès aux métaux critiques — cobalt, lithium, terres rares —, l’or conserve une valeur stratégique double : réserve monétaire internationale et actif refuge dans les périodes d’incertitude économique.

Le Maroc, déjà premier producteur mondial de phosphate et acteur majeur du cobalt, se positionne ainsi comme un hub minier diversifié. Sa stabilité politique, son cadre réglementaire modernisé (nouveau Code minier) et sa situation géostratégique à la croisée des continents renforcent son attractivité pour les investisseurs étrangers.

Conséquences économiques et sociales

L’économiste Rachid Sari souligne que cette découverte pourrait faire du Maroc « un acteur de premier plan dans les chaînes d’approvisionnement mondiales ». Au plan interne, elle ouvre des perspectives inédites pour une région encore marquée par un déficit industriel et des inégalités territoriales.

La mise en exploitation du gisement devrait générer :

  • des emplois directs et indirects dans l’extraction, la logistique et la transformation ;
  • un effet d’entraînement local à travers le développement d’infrastructures routières et énergétiques ;
  • des recettes fiscales accrues permettant de financer des programmes sociaux et éducatifs.

Cette dynamique répond à l’un des défis structurels du Maroc , transformer ses richesses naturelles en valeur ajoutée locale, plutôt que de se limiter à une logique d’exportation brute.

Vers un repositionnement stratégique du Maroc

Selon les données de l’US Geological Survey, le Maroc produisait environ 6,8 tonnes d’or en 2022. Le potentiel révélé par Guelmim laisse envisager une révision significative de cette capacité, renforçant la place du Royaume dans le marché aurifère mondial.

L’orientation stratégique repose sur deux leviers :

  1. La sélectivité minière – cibler les filons les plus riches afin de réduire les coûts initiaux et maximiser les retours sur investissement.
  2. L’intégration industrielle – associer la production aurifère aux autres ressources stratégiques (cobalt, nickel, lithium), dans une logique d’écosystème minier adapté aux besoins de l’économie verte et de l’industrie 4.0.

Une reconnaissance internationale croissante

Le rapport annuel de l’Institut Fraser (Canada) classe désormais le Maroc au 18e rang mondial en attractivité minière, devant des pays à tradition extractive ancienne comme l’Afrique du Sud (68e). Ce bond illustre l’amélioration du climat des affaires, la qualité des infrastructures et la stabilité institutionnelle, autant de facteurs susceptibles de catalyser de nouveaux investissements.

La découverte aurifère de Guelmim ne se réduit pas à un simple événement géologique , elle participe d’une recomposition de la carte économique du Maroc et de son insertion dans les flux mondiaux des matières premières. Entre continuité historique — l’or du Drâa et des routes transsahariennes — et projection vers l’avenir — l’économie circulaire, la transition énergétique, la souveraineté minérale —, le Royaume consolide son rôle de plateforme minière et géoéconomique au sein de l’Afrique et au-delà.

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