Staffan de Mistura brise un demi-siècle de propagande : le conflit du Sahara oppose deux États, le Maroc et l’Algérie
Bouchaib El Bazi
Il n’aura suffi que d’une phrase pour fissurer l’un des piliers du récit algérien sur le Sahara. Dans un entretien accordé au centre italien ISPI, l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, Staffan de Mistura, habituellement réputé pour sa prudence diplomatique, a levé toute ambiguïté , le conflit n’oppose pas un « peuple » à un « occupant », mais bien deux États, le Maroc et l’Algérie, aux côtés d’un « groupe appelé le Polisario ».
Une clarification sans précédent
Avec ces mots, De Mistura a mis fin au flou entretenu depuis près d’un demi-siècle. L’idée d’un « peuple sahraoui » représenté par le Polisario se trouve ainsi fragilisée , l’envoyé onusien ne voit dans ce dernier qu’un groupe, sans légitimité de représentation d’un peuple, mais soutenu et instrumentalisé par Alger. Une reconnaissance implicite mais lourde de sens, qui rejoint ce que nombre de diplomates savaient déjà en coulisses.
La chute d’un récit
Depuis les années 1970, l’Algérie s’emploie à présenter le Sahara comme une « question de décolonisation ». Mais les faits, rappelés par De Mistura et confirmés par le Conseil de sécurité, montrent une autre réalité. La résolution 2756 (2024) a cité cinq fois l’Algérie comme partie prenante et l’a appelée explicitement à s’asseoir à la table des négociations. Le fait qu’Alger, membre non permanent du Conseil, ait choisi de s’abstenir au moment du vote illustre son embarras et son isolement croissant.
Un contexte international favorable au Maroc
La déclaration de De Mistura intervient dans un contexte marqué par un soutien croissant au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, considéré comme une solution réaliste et crédible. Plus de trente pays ont ouvert des consulats à Laâyoune et à Dakhla, confirmant la reconnaissance internationale de la souveraineté marocaine. Au sein de l’Union africaine également, la tendance est claire : les véritables protagonistes sont Rabat et Alger, le Polisario n’étant qu’une façade.
Le Maroc : fermeté et main tendue
Ce tournant diplomatique rejoint le ton du discours du Trône de juillet 2025, dans lequel le Roi Mohammed VI a réaffirmé l’attachement du Maroc à son intégrité territoriale, tout en réitérant un appel à un dialogue « franc et responsable » avec l’Algérie. Une approche qui combine fermeté sur les principes et ouverture à la réconciliation.
L’Algérie face à ses responsabilités
Le message est limpide : le temps des faux-semblants est révolu. Le Polisario n’est qu’un instrument, et le véritable face-à-face concerne Rabat et Alger. La balle est désormais dans le camp du régime algérien : continuera-t-il dans la fuite en avant, ou assumera-t-il enfin sa place à la table des négociations pour mettre fin à un conflit qui hypothèque l’avenir de toute la région ?