Conseil national de la presse : entre réorganisation institutionnelle et craintes d’ingérence
Deux ans après le lancement du débat sur la réforme du Conseil national de la presse (CNP), le gouvernement marocain tente de trouver un terrain d’entente avec les syndicats et organisations professionnelles du secteur. Le projet de loi 25-26, présenté par le ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaïd, vise à restructurer cette instance de régulation en introduisant de nouvelles règles de gouvernance, mais suscite de vives réserves chez une partie des acteurs médiatiques.
Une réforme sous le signe de la flexibilité
Le ministre a souligné la volonté du gouvernement de faire évoluer le texte, en fonction des besoins qui apparaîtraient lors de sa mise en œuvre. Selon lui, le projet n’est pas figé , il pourra être amendé et amélioré au fil de l’expérience, afin de répondre aux défis nouveaux du paysage médiatique, notamment l’essor de la presse électronique et la nécessité d’intégrer davantage la dimension éthique.
L’exécutif met en avant l’objectif de renforcer la transparence, la responsabilité et l’efficacité au sein du CNP. Parmi les nouveautés, figurent la création d’une assemblée générale, l’élargissement des prérogatives disciplinaires, l’instauration d’une commission d’arbitrage électoral ainsi que la publication obligatoire des sanctions. Le projet prévoit également d’allonger la durée du mandat des membres du conseil à cinq ans, renouvelable une seule fois, et d’exiger qu’ils jouissent de leurs droits civiques et politiques.
Un clivage persistant avec les organisations professionnelles
Malgré cette volonté affichée de dialogue, les réactions des syndicats de journalistes et des fédérations d’éditeurs demeurent globalement négatives. Plusieurs organisations, dont la Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) et la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), estiment que la réforme marque un recul par rapport au principe du self-regulation consacré par la Constitution.
Selon ces instances, la nouvelle architecture proposée risque de renforcer l’emprise du politique sur une institution censée être indépendante et représentative de la profession. Elles dénoncent également un mécanisme électoral jugé complexe et potentiellement discriminatoire, qui pourrait limiter la participation et fausser la représentativité.
Les enjeux d’une réforme délicate
La controverse autour du projet de loi illustre la difficulté de concilier deux logiques , d’une part, la volonté gouvernementale d’instaurer un cadre juridique unifié et mieux structuré ; d’autre part, la crainte des professionnels d’un affaiblissement de l’autonomie de la profession journalistique.
La question centrale demeure celle de la légitimité , comment garantir que le Conseil national de la presse soit perçu comme une instance légitime, crédible et réellement représentative des journalistes et des éditeurs, tout en bénéficiant d’un cadre juridique clair et d’outils de régulation efficaces ?
Vers une issue concertée ?
Pour Mohamed Mehdi Bensaïd, le Maroc n’a pas vocation à copier un modèle unique, chaque pays disposant de sa propre expérience en matière de régulation médiatique. Le ministre cite en exemple le cas du Danemark, où les membres de l’équivalent du CNP sont désignés par le ministère de la Justice, ou encore d’autres pays qui privilégient la nomination au détriment du scrutin.
Reste à savoir si la flexibilité promise suffira à dissiper les inquiétudes et à rapprocher les points de vue. La suite des débats parlementaires sera déterminante , elle permettra de mesurer si le processus aboutira à un compromis équilibré, capable de concilier gouvernance institutionnelle et respect du principe fondamental de l’autorégulation de la presse.
Souhaitez-vous que je complète ce texte par un encadré comparatif international (par ex. modèles de conseils de presse en Europe et en Afrique) pour enrichir l’analyse et donner une perspective académique plus large ?