Une crise du soutien scolaire pour les enfants en situation de handicap menace des milliers de familles au Maroc
Bouchaib El Bazi
Le dossier de la scolarisation des enfants en situation de handicap connaît un tournant critique. Plusieurs organisations de défense des droits et associations actives dans le domaine ont tiré la sonnette d’alarme face à l’arrêt du soutien éducatif et social destiné à ces enfants vulnérables. Elles dénoncent le retard pris dans la publication de l’appel à projets annuel, que le gouvernement s’était engagé à financer à hauteur de 500 millions de dirhams par an. Selon elles, il s’agit d’une véritable crise mettant en péril les droits de 30 000 enfants et l’avenir de 9 000 travailleurs sociaux.
Les avertissements des organisations de la société civile
Dans un communiqué conjoint, l’Observatoire marocain de l’éducation inclusive, l’Union nationale des femmes travaillant dans le domaine du handicap, l’Organisation marocaine des droits des femmes en situation de handicap ainsi que la Fédération marocaine des associations œuvrant dans le domaine du handicap ont dénoncé une gestion défaillante qui aggrave la précarité des familles.
Elles pointent trois dysfonctionnements majeurs :
- Le non-respect des engagements du ministère de la Solidarité, entraînant la suspension du soutien.
- L’absence de canaux de concertation avec les acteurs associatifs et droits-de-l’hommistes, renforçant l’opacité.
- La confusion dans la mise en place du nouveau système de soutien, retardé faute de textes réglementaires, provoquant une paralysie financière et administrative.
Les inquiétudes au Parlement
Le député Abdelhak Amghar (groupe socialiste) a exprimé de sérieuses préoccupations quant à l’avenir du programme, désormais intégré au système de protection sociale. Selon lui, ce projet, financé depuis 2015 par le Fonds de cohésion sociale, a permis à environ 26 000 élèves de bénéficier de services éducatifs et para-médicaux, sur un total de 100 000 inscrits dans la plateforme « Massar ».
Cette couverture partielle met en lumière l’ampleur des besoins et alimente les doutes sur la capacité des ministères concernés à garantir la continuité des services, d’autant que près de 9 000 travailleurs sociaux risquent de perdre leur emploi et que de nombreux centres locaux d’accueil pourraient fermer leurs portes.
Des conséquences sociales alarmantes
Les associations préviennent que l’abandon du financement aura des effets désastreux :
- Décrochage scolaire massif faute de moyens financiers pour les familles.
- Perte d’une expertise précieuse accumulée par les travailleurs sociaux.
- Aggravation de la vulnérabilité économique des ménages concernés.
Cette situation, estiment-elles, contredit les orientations royales qui ont fait de la promotion des droits des personnes en situation de handicap une priorité nationale, et révèle un décalage inquiétant entre le discours officiel sur la justice sociale et la réalité des politiques publiques.
Mobilisation prévue à Rabat
Dans un mouvement de contestation, plus de 400 associations ont annoncé l’organisation d’un sit-in devant le ministère de la Solidarité, de l’Insertion sociale et de la Famille, le mercredi 17 septembre 2025, afin de réclamer des mesures urgentes garantissant la continuité du soutien éducatif et social, ainsi que la préservation des acquis des travailleurs du secteur.
La conseillère parlementaire Jalila Marsli avait déjà alerté sur le fait que la suppression du programme financé par le Fonds de cohésion sociale affecterait plus de 9 000 travailleurs sociaux et priverait près de 30 000 enfants des services éducatifs qui leur étaient destinés.
Une stratégie encore floue
Au cœur des débats demeure une question essentielle : quelle stratégie le gouvernement entend-il adopter pour assurer la transition du programme vers le système de protection sociale, tout en garantissant son financement et la qualité des services ?
En attendant des réponses claires, des milliers de familles restent suspendues entre des promesses officielles non tenues et une réalité quotidienne de plus en plus difficile, où l’accès des enfants en situation de handicap à un droit fondamental – l’éducation – se retrouve sérieusement menacé.