Crise sanitaire au Maroc : des cliniques privées transformées en hôtels de luxe et des hôpitaux publics en déshérence

Bouchaib El Bazi

Alors que le Maroc affiche depuis plusieurs années des avancées remarquables dans les infrastructures, les énergies renouvelables ou encore l’attractivité des investissements, le secteur de la santé demeure son talon d’Achille. Les dysfonctionnements chroniques du système hospitalier et la marchandisation croissante des soins placent la santé publique au cœur des inquiétudes citoyennes.

Des cliniques privées devenues des hôtels cinq étoiles

Quiconque franchit les portes de certaines cliniques privées marocaines a l’impression d’entrer dans un hôtel de luxe , accueil soigné, chambres confortables, services personnalisés. Mais une condition s’impose , payer avant d’être soigné. Ces établissements, censés compléter l’offre publique, fonctionnent désormais comme des entreprises commerciales où le malade se transforme en client et le soin en marchandise.

Des hôpitaux publics à bout de souffle

À l’opposé, les hôpitaux publics ploient sous le poids des carences , manque criant de personnel médical, équipements défaillants, files d’attente interminables. Dans de nombreux cas, l’accès aux soins est conditionné à un paiement préalable ou à des interventions officieuses. Pire encore, certains agents de sécurité se muent en intermédiaires pour faciliter l’entrée auprès de médecins, moyennant finances. Un symptôme flagrant d’un système en perte de repères et d’une gouvernance défaillante.

Le grand paradoxe marocain

Le contraste est saisissant , un pays qui construit des autoroutes, érige des ports ultramodernes et ambitionne d’être un hub africain et méditerranéen, mais qui peine à garantir à ses citoyens un accès équitable aux soins de base. Ce paradoxe alimente un sentiment d’injustice et interroge la crédibilité des politiques publiques en matière sociale.

Entre responsabilités publiques et logiques privées

Pour de nombreux observateurs, la crise dépasse la seule question budgétaire. Elle réside aussi dans la mauvaise gouvernance et la porosité entre secteur public et secteur privé. Les cliniques privées captent une large part des compétences médicales grâce à des conditions salariales attractives, affaiblissant d’autant les hôpitaux publics. Parallèlement, l’absence de régulation stricte laisse libre cours à des pratiques où la logique commerciale prime sur l’éthique médicale.

Un coût social insoutenable

Les citoyens en paient le prix doublement , d’une part, à travers leurs impôts qui financent un service public défaillant ; d’autre part, par des factures exorbitantes dans le privé lorsqu’ils n’ont pas d’autre choix. Cette spirale nourrit une crise de confiance grandissante entre les Marocains et leurs institutions.

Vers une réforme en profondeur ?

Face à ces dérives, l’exigence d’un véritable plan de sauvetage s’impose. Celui-ci devrait :

  • Réhabiliter l’hôpital public en investissant dans les infrastructures et les ressources humaines.
  • Encadrer le secteur privé par une régulation des tarifs et une obligation d’éthique médicale.
  • Lutter fermement contre la corruption et les pratiques illégales dans les établissements de santé.
  • Placer la santé au cœur des politiques publiques, non comme un slogan mais comme un droit fondamental.

La faiblesse structurelle du système de santé marocain dépasse la sphère médicale , elle engage l’image du pays et la confiance de ses citoyens. Comment un Maroc qui aspire à jouer dans la cour des grandes nations peut-il tolérer que ses hôpitaux publics soient laissés à l’abandon et que ses cliniques privées se transforment en hôtels de luxe ? L’urgence d’une réforme n’est plus une option , c’est une condition indispensable pour restaurer la dignité des Marocains et crédibiliser le modèle de développement du Royaume.

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