Staffan de Mistura en tournée sensible au Sahara : un test décisif pour l’équation Algérie – Maroc

Intisar Azmizam

À quelques semaines de sa prochaine présentation devant le Conseil de sécurité, en octobre, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara marocain, Staffan de Mistura, a entamé une tournée régionale qui le mènera en Algérie, au Maroc, dans les camps de Rabouni et en Mauritanie. Un déplacement aux allures diplomatiques classiques, mais dont la portée est bien plus lourde , il pourrait tracer les contours de la prochaine phase dans ce dossier enlisé depuis des décennies.

Un timing stratégique

Cette tournée intervient dans un contexte régional tendu , frontières crispées, processus politique paralysé et pressions croissantes de la communauté internationale pour aboutir à une solution politique définitive. L’agenda n’a rien d’anodin. Il reflète la conscience onusienne que la fenêtre de négociation se referme et qu’un nouvel enlisement risquerait de fragiliser encore davantage la stabilité régionale.

Le nœud algérien : partie prenante ou simple voisin ?

Le cœur de l’équation reste l’Algérie. Rabat insiste : Alger n’est pas un spectateur, mais l’acteur central qui abrite et soutient le Front Polisario. Sans son implication directe, aucune solution ne serait crédible ni durable. Alger, au contraire, récuse ce statut, se présentant comme simple “voisin concerné”, défenseur du droit à l’autodétermination, et se refuse à endosser toute responsabilité politique dans une éventuelle issue.

Les déclarations d’Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, à l’issue de sa rencontre avec de Mistura, confirment cette ligne classique , soutien au “peuple sahraoui” et appel à des négociations entre Rabat et le Polisario exclusivement. Une posture qui, selon plusieurs analystes, ferme la porte à toute avancée substantielle.

Signaux politiques et équilibres régionaux

Le choix de commencer sa tournée par Alger a suscité des lectures multiples. Du côté marocain, certains y voient la reconnaissance implicite du rôle incontournable de l’Algérie. Quant à la Mauritanie, incluse dans l’agenda, elle réaffirme son importance stratégique, malgré son choix affiché de neutralité.

La vraie question reste entière , Alger acceptera-t-elle, même de manière flexible, de basculer du statut de “voisin” à celui de “partie prenante” ? Sans cela, préviennent les observateurs, tout processus reste menacé d’échec ou d’obstruction à moyen terme.

Pressions internationales accrues

En parallèle, Washington hausse le ton. Lisa Kana, haute responsable du département d’État américain, a rappelé à de Mistura que l’initiative marocaine d’autonomie “sous souveraineté marocaine” constitue “la seule solution réaliste et durable”. Un message limpide qui restreint encore la marge de manœuvre du médiateur onusien et place l’Algérie devant un dilemme , adapter son discours ou s’exposer à un isolement diplomatique croissant.

L’ONU à l’épreuve de sa crédibilité

De Mistura est ainsi face à un double défi , relancer des négociations crédibles et préserver la légitimité du processus onusien. Car si l’immobilisme persiste, alors que la reconnaissance internationale de la marocanité du Sahara s’élargit, l’ONU risque de voir son rôle réduit à une simple tribune rhétorique, incapable de transformer les équilibres de terrain.

La tournée actuelle ne constitue pas un simple rituel diplomatique, mais bien un moment charnière. Le rapport que de Mistura présentera en octobre pourrait consacrer une avancée décisive ou, au contraire, entériner une impasse durable. Tout dépendra de la capacité de l’ONU à résoudre l’équation algérienne, ce verrou qui conditionne l’avenir du dossier saharien et, au-delà, la stabilité de toute la région maghrébine.

 

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