Nasser Bourita face à l’épreuve de la transparence : l’ombre des dysfonctionnements au consulat du Maroc à Francfort
Youssef Lefrej
Le ministère marocain des Affaires étrangères se retrouve une nouvelle fois confronté à des interrogations embarrassantes sur la manière dont il protège – ou non – ses propres employés. Depuis plusieurs mois, des accusations persistantes visent la gestion de la consulat général du Maroc à Francfort, où le consul général, Khalifa Aït Chaib, est accusé de mauvaise gestion et de pratiques qualifiées d’autoritaristes.
Des rapports filtrés et une protection suspecte
La question centrale est simple : le ministre Nasser Bourita est-il réellement informé de la gravité des faits reprochés, ou bien les rapports transmis à son cabinet sont-ils « filtrés » pour masquer la réalité et protéger le consul ? Les liens que ce dernier entretient avec plusieurs figures influentes du ministère, à l’instar de Toufiq Hafid – dont on dit qu’il assure que son remplacement est « impossible » – alimentent l’hypothèse d’un réseau de protection interne qui rendrait toute sanction inenvisageable, quelles que soient les accusations portées contre lui.
Des voix ignorées à Francfort
À Francfort, la situation ne date pas d’hier. Des associations locales, mais aussi des fonctionnaires de la consulat, ont directement adressé leurs plaintes au ministre Bourita. Certains d’entre eux ont même été entendus par le passé. Pourtant, ces démarches n’ont pas dépassé le stade de promesses vagues. Résultat : un sentiment de frustration et la conviction croissante que les dysfonctionnements sont couverts, au détriment de l’image du Maroc auprès de sa diaspora allemande.
Une affaire symptomatique d’un mal plus profond
Pour de nombreux observateurs, le cas de la consulat de Francfort n’est pas un épisode isolé, mais bien une illustration des dérives systémiques qui affectent plusieurs secteurs publics au Maroc – de la santé à l’éducation. Le dénominateur commun : une administration souvent minée par le clientélisme, le manque de transparence et la prévalence des loyautés personnelles sur l’intérêt général.
L’épreuve de vérité pour Bourita
Le véritable défi pour Nasser Bourita n’est pas seulement de répondre aux griefs exprimés par les employés de sa consulat. Il s’agit de démontrer que son ministère n’est pas prisonnier d’une logique de protection corporatiste qui encourage le statu quo et affaiblit la confiance dans les institutions. Laisser perdurer ces pratiques reviendrait à envoyer un message clair : dans l’administration, la loyauté vaut plus que la légalité.
Pas de réforme sans courage
Si le Maroc aspire à renforcer son image diplomatique et à resserrer les liens avec ses communautés à l’étranger, il ne pourra réussir sans une remise en ordre réelle de ses représentations consulaires. Toute dissimulation ou toute complaisance équivaut à un aveu de faiblesse institutionnelle. Plus grave encore, cela creuse un fossé de défiance entre l’État et ses propres fonctionnaires.
Entre les vérités que connaissent associations et employés d’un côté, et les rapports édulcorés transmis à Rabat de l’autre, la question demeure : Nasser Bourita osera-t-il rompre avec la logique de protection des siens et affronter le malaise de front, ou la consulat de Francfort restera-t-elle un nouveau symbole d’un système où le silence protège les abus ?