Consulat du Maroc à Francfort : quand les mosquées deviennent tribunaux de confiance

Majdi Fatima Zahra

La dernière controverse secouant le consulat général du Maroc à Francfort n’est que l’énième épisode d’une longue série de dysfonctionnements. Mais ce qui surprend cette fois-ci, c’est la stratégie choisie par le consul général, Khalifa Aït Chaïb, pour tenter de redorer son image écornée , solliciter mosquées et associations afin de publier un communiqué de soutien et de « renouvellement de confiance ». Comme si les institutions religieuses s’étaient muées en urnes électorales capables d’octroyer la légitimité à un diplomate en difficulté.

Un communiqué d’« éloge » controversé

Daté du 24 août 2025 et signé par un ensemble de mosquées, d’associations et de structures communautaires, le document présente le consulat de Francfort comme un modèle d’« ouverture et de bonne gestion ». Le texte vante des progrès supposés tels que l’amélioration de l’accueil, le respect des rendez-vous, le lancement d’initiatives mobiles et une plus grande proximité avec la société civile. Plus encore, il renouvelle explicitement la confiance dans le consul et son équipe, tout en rejetant ce qu’il qualifie de « campagnes de désinformation ».

Pourtant, selon des témoignages de fonctionnaires et de proches du consulat, la réalité serait tout autre , pressions administratives, climat interne délétère et maltraitance du personnel auraient constitué le terreau de la crise. Dès lors, ce communiqué apparaît comme une tentative de blanchiment symbolique, instrumentalisant des acteurs religieux sans aucun lien avec les mécanismes diplomatiques ou de contrôle administratif.

La peur du compte à rendre

Face à la tempête, le consul a réuni ses employés, leur promettant une « nouvelle page » et une relation de confiance renouvelée. Une promesse qui, selon plusieurs observateurs, relève moins d’une volonté sincère que d’une stratégie défensive , anticiper d’éventuels témoignages compromettants susceptibles de remonter jusqu’au ministère des Affaires étrangères à Rabat. Car le consul sait que les critiques internes, portées par ceux qui vivent la situation au quotidien, pèsent bien plus lourd que les articles de presse publiés à l’étranger.

Quand les mosquées se transforment en arbitres

L’élément le plus troublant reste l’implication des mosquées dans une affaire purement professionnelle. Depuis quand les lieux de culte sont-ils habilités à évaluer la qualité des services consulaires ou les conditions de travail des fonctionnaires ? Leur signature au bas du communiqué, sans connaissance réelle de la situation interne, s’apparente à un faux témoignage qui fragilise leur crédibilité. L’amalgame entre religion et gestion administrative traduit surtout une crainte de l’évaluation objective et une tentative d’habiller d’un vernis spirituel une pratique dépourvue de transparence.

Une crédibilité écornée auprès de la diaspora

Loin de rassurer, cette opération de communication a accentué la défiance d’une partie de la communauté marocaine de Francfort. Tandis que le communiqué insiste sur les « réussites » du consulat, les usagers rapportent, eux, des rendez-vous annulés, des délais interminables et des employés soumis à une pression insoutenable. Dans ces conditions, présenter le consulat comme un « modèle » relève plus de la propagande que de la réalité vécue.

Lire entre les lignes

Le communiqué de « renouvellement de confiance » s’inscrit moins dans une dynamique de transparence que dans une stratégie de survie administrative. Car si le consul avait véritablement confiance en son bilan, il n’aurait pas eu besoin d’appeler à la rescousse des soutiens religieux dépourvus de légitimité en la matière. À terme, ce procédé risque d’avoir un effet pervers , transformer les institutions communautaires en instruments de communication, au détriment de leur indépendance et de leur rôle au service des Marocains de l’étranger.

Une faille systémique

L’affaire du consulat de Francfort met en lumière un malaise plus profond , celui d’une diplomatie de façade où l’efficacité et la transparence cèdent parfois la place à des communiqués commandés et des « certificats de confiance » sans valeur réelle. Reste à savoir si le ministère des Affaires étrangères se contentera d’observer la situation à distance ou s’il choisira, enfin, d’intervenir avec fermeté pour restaurer l’image de ses représentations à l’étranger — censées être des vitrines de la nation, et non des foyers à scandales répétés.

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