L’Algérie face à la CIJ , fuite en avant ou aveu implicite des accusations maliennes ?

Majdi Fatima Zahra

Dans un geste inédit, le gouvernement malien a décidé de porter plainte contre l’Algérie devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, l’accusant d’atteinte à sa souveraineté, de violation de ses frontières et même de soutien à des groupes terroristes actifs dans le Sahel. La requête, déposée officiellement le 4 septembre 2025, place le régime algérien dans une position délicate, comme en témoignent ses réactions confuses et contradictoires.

Une diplomatie en désarroi

Le 13 septembre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, affirmait devant un cercle restreint de journalistes qu’aucune requête n’avait été déposée par Bamako auprès de la CIJ. Or, moins d’une semaine plus tard, un communiqué de son ministère reconnaissait bel et bien que le Mali avait introduit une demande datée du 4 septembre, et que la Cour n’en avait confirmé la réception que le 16 du même mois. Cette contradiction illustre l’ambivalence du discours officiel , déni d’abord, aveu ensuite, comme si Alger cherchait à gagner du temps face à une affaire embarrassante.

Une faille juridique transformée en échappatoire

Dans son communiqué, Alger annonce son intention de rejeter la compétence de la Cour, s’appuyant sur l’article 38 de son règlement intérieur, qui prévoit que la juridiction internationale ne peut se saisir d’un différend qu’avec l’accord des deux parties (forum prorogatum). Une échappatoire juridique qui, selon Bamako, confirme le malaise du régime algérien, conscient des risques d’une condamnation et de l’éventualité d’indemnisations conséquentes.

L’invective plutôt que l’argumentation

Au lieu de répondre au fond de la plainte malienne, le ministère algérien des Affaires étrangères a opté pour l’invective. Le communiqué qualifie le gouvernement malien de « junte », l’accuse de « contradictions » et dénonce son « effondrement moral », dans une rhétorique plus proche de la diatribe que de la diplomatie. Une stratégie qui, loin de défendre la position algérienne, révèle la nervosité d’un régime plus enclin à la polémique qu’au débat juridique.

Un contexte régional explosif

Ce bras de fer judiciaire s’inscrit dans un climat tendu au Sahel. Bamako reproche à Alger de protéger certaines factions armées poursuivies par les forces maliennes et régionales. L’incident du 31 mars – 1er avril 2025, marqué par la destruction d’un drone malien à l’intérieur du territoire national, est désormais brandi comme la preuve tangible d’un « acte d’agression » commis par l’Algérie.

Un aveu par omission

Le refus de l’Algérie de comparaître devant la CIJ équivaut à un aveu implicite. Car un État sûr de son bon droit choisit en général la voie judiciaire pour le démontrer. Le choix inverse, celui de l’évitement, nourrit l’idée que le régime algérien a davantage à perdre qu’à gagner en se soumettant à l’arbitrage de la Cour.

Le différend entre Bamako et Alger pourrait constituer un précédent majeur dans l’histoire africaine devant la CIJ. En recourant au droit international, le Mali cherche à établir ses griefs sur un terrain juridique incontestable. L’Algérie, en refusant cette voie, semble reconnaître en creux la fragilité de sa position. Une chose est sûre , en s’enfermant dans le déni et l’invective, le régime algérien risque de voir son isolement diplomatique s’accentuer davantage.

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