Le Maroc entre dans le club des fabricants de blindés : l’usine de Berrechid, pierre angulaire d’une industrie de défense nationale

Hanane El Fatihi

Dans un tournant qualifié de stratégique, le Maroc a inauguré à Berrechid sa première usine de fabrication de blindés de combat, en partenariat avec l’Inde. Une réalisation qui marque le lancement effectif d’une industrie de défense nationale, destinée à renforcer la souveraineté militaire et à réduire la dépendance technologique vis-à-vis de l’étranger dans un domaine vital lié à la sécurité nationale.

La nouvelle unité, baptisée « Tata Advanced Systems Morocco » (TASM), est le fruit d’un accord d’investissement signé en septembre 2024 entre l’Administration de la Défense nationale, le ministère indien de la Défense et la société TATA Advanced Systems Limited. Ce projet constitue une étape décisive dans la stratégie marocaine visant à doter le pays de capacités industrielles de défense, après des avancées notables dans les domaines des munitions, des drones et de la maintenance des équipements militaires.

Des blindés de nouvelle génération

L’usine de Berrechid produira des véhicules blindés de combat WhAP 8×8, développés conjointement par une entreprise indienne et l’Organisation indienne de recherche pour la défense. Classés parmi la nouvelle génération de blindés polyvalents, ces véhicules offrent un haut niveau de protection, une mobilité renforcée et une flexibilité opérationnelle adaptée aux exigences des champs de bataille contemporains.

Dans un premier temps, la production sera destinée aux Forces Armées Royales, avant d’être orientée vers l’exportation, notamment à destination des pays d’Afrique subsaharienne où la demande en équipements militaires modernes est en forte croissance. Le Maroc y gagne ainsi un nouveau positionnement en tant que fournisseur fiable sur le continent.

Une plateforme régionale et un transfert de technologies

Dotée d’infrastructures modernes répondant aux standards internationaux, l’usine intégrera dès son ouverture 35 % de composants d’origine locale, un taux qui devrait atteindre 50 % grâce à l’implication progressive des fournisseurs nationaux et à un investissement soutenu dans la formation des compétences marocaines.

Le projet générera environ 90 emplois directs et 250 emplois indirects, tout en offrant des opportunités de formation et de perfectionnement aux ingénieurs et techniciens marocains dans des spécialités pointues liées à la mécanique, aux technologies militaires et à l’ingénierie industrielle.

Une alliance stratégique avec une puissance émergente

Ce partenariat illustre la volonté du Maroc de diversifier ses alliances dans le domaine de la défense. Sans remettre en cause ses relations traditionnelles avec les pays occidentaux, le Royaume s’ouvre à l’Inde, puissance technologique émergente qui voit dans le Maroc une porte d’entrée fiable vers l’Afrique.

Pour les observateurs, cette coopération marque une rupture : elle traduit une ambition claire du Maroc d’acquérir une autonomie industrielle dans le domaine de la défense, conformément à la vision royale en faveur d’une industrie nationale axée sur l’autosuffisance, la sécurité et la coopération Sud-Sud.

De l’importation à la production

L’usine de Berrechid ne se limite pas à une fonction de production militaire. Elle symbolise l’entrée du Maroc dans le cercle des pays capables de concevoir et fabriquer leurs propres blindés. C’est un passage assumé de l’importation à la production, et de la dépendance technologique à la coopération industrielle équilibrée.

Au-delà de ses retombées stratégiques, ce projet constitue un levier pour l’économie nationale et un catalyseur pour une industrie innovante, apte à répondre aux défis sécuritaires régionaux tout en consolidant le rôle du Maroc comme acteur majeur des industries de défense en Afrique.

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