Nacer El Djinn : l’évasion qui déshabille le régime algérien

Par : Bouchaib El Bazi

Parti comme un simple harrag, mais avec les secrets d’un État dans ses valises, Abdelkader Haddad, alias Nacer El Djinn, ancien patron de la DGSI, a infligé au régime algérien l’une de ses plus grandes humiliations depuis des décennies. Sa fuite vers l’Espagne n’est pas seulement une affaire d’évasion spectaculaire. Elle agit comme un révélateur brutal , un système rongé par la paranoïa, fissuré par les luttes de clans, incapable de contenir les monstres qu’il a lui-même fabriqués.

Un exfiltré aux mille secrets

L’homme n’est pas un déserteur lambda. À la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) jusqu’en 2024, Haddad détenait les clés de l’appareil sécuritaire du pays. Nommé par Abdelmadjid Tebboune, puis limogé et assigné à résidence après quelques mois, il a vécu le cycle typique des généraux algériens , montée fulgurante, disgrâce brutale, soupçons d’élimination. En s’échappant, il a fait basculer la peur de son côté.

En Espagne, il affirme avoir fui un « assassinat déguisé en suicide ». Ces propos suffisent à ébranler Tebboune et Chengriha : car un général humilié, en cavale, est infiniment plus dangereux qu’un ennemi déclaré.

Alger en état de siège

La réaction d’Alger fut symptomatique , blocages routiers, hélicoptères dans le ciel, descentes musclées dans les quartiers populaires. Une capitale tétanisée, ramenée aux spectres des années 90. Mais aucune capture à exhiber, aucun communiqué triomphal. Le silence qui a suivi est le plus cruel des aveux. Dans un régime où la propagande transforme le moindre succès policier en feuilleton médiatique, l’absence d’images a parlé plus fort que toutes les rumeurs.

La « boîte noire » d’un régime

Nacer El Djinn n’est pas qu’un militaire en rupture. Il est la mémoire vivante des compromissions d’un pouvoir :

  • le soutien militaire et logistique au Polisario, utilisé comme bras armé contre le Maroc,
  • les alliances occultes avec l’Iran et le Hezbollah, incluant fourniture de drones et formation paramilitaire,
  • les réseaux opaques dans le Sahel, mélange de contre-terrorisme, de trafics et de manipulations,
  • les caisses noires et la corruption présidentielle, véritable colonne vertébrale du système.

Si ces dossiers venaient à être rendus publics, c’est tout l’échafaudage diplomatique et sécuritaire d’Alger qui s’écroulerait.

Analyse – Par Bouchâib El Bazi

L’affaire Nacer El Djinn va au-delà du spectaculaire. Elle illustre une mécanique interne où la loyauté n’existe pas, remplacée par un cycle infernal , promotion, disgrâce, élimination. En Algérie, l’armée ne protège pas l’État ; elle protège un système de prédation qui dévore ses propres hommes.

Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas la cavale d’un général, mais la mise à nu d’un régime qui perd son dernier atout , la peur. Car si même les gardiens du temple choisissent la fuite, que reste-t-il de l’autorité d’un pouvoir construit sur le secret et l’intimidation ?

La fuite d’El Djinn n’est pas une parenthèse. C’est un séisme politique qui ouvre une ère de vulnérabilité. Le régime algérien, déjà fragilisé par la crise économique et l’isolement diplomatique, doit désormais composer avec une menace plus intime , ses propres fantômes.

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