En Algérie, l’affaire Nasser El-Djinn ravive la guerre des clans au sommet de l’État
Bouchaib El Bazi
Alger – L’Algérie est secouée par une nouvelle crise politico-sécuritaire après la disparition énigmatique du général Abdelkader Haddad, dit Nasser El-Djinn, ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Entre rumeurs d’exil en Espagne, hypothèse d’une arrestation secrète et allégations d’une possible élimination, l’affaire prend des allures de feuilleton opaque qui met à nu les fractures internes du régime.
Une énigme qui embarrasse le pouvoir
Cette disparition embarrasse directement le président Abdelmadjid Tebboune et son entourage. Selon plusieurs sources à Alger, le chef de l’État et son puissant directeur de cabinet, Boualem Boualem, soupçonnent une manœuvre de déstabilisation orchestrée au sein même de l’armée par le général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP).
Tebboune contre Chengriha : un duel de survie
Les tensions entre Tebboune et Chengriha ne sont pas nouvelles. Le président cherche depuis son arrivée au pouvoir à affirmer une autorité civile sur une armée qui conserve une emprise considérable sur la vie politique. Chengriha, affaibli par l’âge et des problèmes de santé, tente de maintenir son influence face à des rivaux internes.
Lire aussi : Nacer El Djinn : l’évasion qui déshabille le régime algérien
L’affaire Nasser El-Djinn agit comme un révélateur. Pour Tebboune, il s’agit de consolider son pouvoir et de préparer l’après-Chengriha. Pour le chef d’état-major, la priorité est désormais la survie politique et le contrôle des services de sécurité dont les loyautés apparaissent de plus en plus incertaines.
Vers un changement au sommet de l’armée ?
Dans les cercles du pouvoir, une rumeur persiste : Tebboune, avec l’appui de Boualem, envisagerait l’éviction pure et simple de Chengriha afin d’installer une direction militaire jugée plus docile et loyale au palais d’El Mouradia. Une telle manœuvre constituerait une tentative rare d’imposer une suprématie civile sur l’institution militaire, mais elle risquerait aussi d’ouvrir une période de grande instabilité.
Lire Aussi :La fuite spectaculaire d’un général algérien révèle les failles du système sécuritaire
Un régime fragilisé
L’affaire intervient dans un contexte social et économique tendu. L’Algérie fait face à une inflation persistante, à un chômage élevé et à une société civile encore marquée par le mouvement du Hirak. La fragilisation du tandem président–armée, pilier de la stabilité autoritaire depuis des décennies, pourrait accentuer l’incertitude politique.
Une équation à haut risque
Au-delà du sort mystérieux du général Haddad, l’affaire met en lumière les luttes de pouvoir au cœur d’un système politique en recomposition. Si Tebboune parvient à affaiblir Chengriha, il pourrait redessiner l’équilibre entre institutions civiles et militaires. Mais une telle rupture pourrait aussi faire éclater les rivalités au sein d’un appareil sécuritaire déjà traversé par les divisions.
L’énigme Nasser El-Djinn devient ainsi un symbole de la fragilité du régime et un test majeur pour l’avenir immédiat de l’Algérie.