Génération Z et silence des partis : quand le système politique échoue à encadrer l’avenir
Bouchaib El Bazi
Ces dernières semaines, le Maroc a vu émerger dans la rue une jeunesse portée par la “Génération Z” — ces jeunes nés entre la fin des années 1990 et le début des années 2000 — exprimant, de manière spontanée et désorganisée, leurs frustrations, leurs attentes, et surtout leur sentiment d’exclusion. Cette mobilisation n’est pas un simple épisode de contestation , elle révèle une crise structurelle de la représentation politique, dans un pays qui, pourtant, compte officiellement 36 partis reconnus.
36 partis… mais où sont-ils ?
La scène politique marocaine donne une illusion de pluralisme. Pourtant, dans la pratique, seuls une dizaine de partis sont visibles, actifs et identifiés par la population. Ce sont ceux qui occupent actuellement les sièges du gouvernement et du Parlement. Le reste ? Des structures quasi-inexistantes dans le débat public, absentes du terrain, et souvent méconnues du grand public, jusque dans leurs noms ou dirigeants.
Beaucoup de ces partis ont été créés à une époque où la législation permettait la formation d’un parti politique avec des conditions similaires à celles d’une simple association. Résultat , des coquilles vides, verrouillées par des cercles restreints refusant toute relève, et continuant à bénéficier d’un financement public sans remplir leur rôle constitutionnel d’encadrement, de formation citoyenne ou de participation à la vie démocratique.
Il est temps d’assainir le paysage politique
Face à cette situation, une question s’impose , à quoi bon maintenir en vie des partis politiquement morts ?
Une réforme urgente s’impose. Il s’agirait d’instaurer une obligation légale de renouvellement des instances dirigeantes pour tout parti n’ayant pas franchi le seuil électoral ou ne présentant aucune activité publique avérée. À défaut, la dissolution devrait être envisagée.
L’objectif n’est pas de réduire la pluralité, mais bien de la rendre réelle, crédible et utile. Il est temps de libérer ces structures figées afin de permettre à une nouvelle génération de militants et d’élus potentiels d’y insuffler une dynamique nouvelle. Cela permettrait aussi d’éviter que l’espace politique ne soit monopolisé par quelques formations, incapables de canaliser les aspirations de la jeunesse.
Des barrières injustifiées à la candidature indépendante
Un autre obstacle majeur réside dans les conditions imposées aux candidats indépendants souhaitant se présenter aux élections.
Si le fait de collecter 100 signatures de citoyens dans la circonscription peut sembler raisonnable, l’exigence de recueillir les parrainages d’élus issus d’autres partis est, elle, purement dissuasive.
Comment un élu en poste, membre d’un parti, accepterait-il de soutenir un concurrent potentiel ? Cette logique freine le renouvellement du personnel politique, ferme la porte aux candidatures alternatives et renforce le contrôle des partis établis sur la vie politique.
Des institutions fortes plutôt que des rues pleines
Il est clair que ni les colères populaires, ni les protestations de rue, aussi légitimes soient-elles, ne suffisent à bâtir une démocratie solide. L’expérience régionale a montré que les révoltes non encadrées, sans traduction institutionnelle, mènent rarement à la justice sociale ou au progrès démocratique durable.
Le changement véritable se construit au sein des institutions, avec des règles équitables, des partis ouverts, et des processus électoraux inclusifs. C’est pourquoi l’État est aujourd’hui appelé à agir , non pas en réprimant les voix dissidentes, mais en ouvrant des portes concrètes à la participation politique.
Il faut repenser notre paysage partisan, en assainissant ce qui doit l’être, et en offrant de véritables alternatives aux jeunes générations. Le défi est immense, mais c’est la condition pour rétablir la confiance, renforcer la démocratie, et éviter que les rues ne deviennent le seul espace d’expression pour une jeunesse en quête de sens et de justice.