Rabat – Des manifestations pacifiques interdites : un recul inquiétant des libertés au Maroc
Bouchaib El Bazi
Dans une démarche jugée par de nombreux militants et acteurs des droits humains comme un recul grave des libertés fondamentales, plusieurs villes marocaines, notamment Casablanca, Marrakech et Tanger, ont été le théâtre d’interdictions de manifestations pacifiques. Ces rassemblements, initiés par des citoyens et des associations civiles, visaient à dénoncer la dégradation alarmante du système de santé public.
Ces événements ravivent le souvenir de pratiques passées où l’État était accusé de privilégier l’approche sécuritaire au détriment du dialogue, notamment lors du Hirak du Rif.
Le journaliste Bouchaïb El Bazi n’a pas hésité à qualifier ces mesures de « campagne disciplinaire centralisée », dénonçant ce qu’il considère comme une stratégie répressive de l’État à l’égard des voix critiques. Il souligne que l’urgence ne réside pas dans le musellement des protestataires, mais dans la réforme structurelle d’un système de santé défaillant, qui menace aujourd’hui le droit à la vie et à la dignité, en particulier dans les zones marginalisées.
Un système de santé en crise : le reflet d’un échec ?
Les scènes d’hôpitaux surpeuplés, le manque cruel de personnel, l’insuffisance des équipements médicaux et l’absence de médicaments de base, même dans les centres hospitaliers universitaires, dressent un tableau sombre du secteur de la santé au Maroc. Ce constat alarmant est précisément ce qui a motivé les récentes mobilisations citoyennes — lesquelles ont été étouffées par des interdictions administratives et un déploiement sécuritaire massif, plutôt qu’un dialogue institutionnel.
À Casablanca, la manifestation pacifique s’est transformée en une chasse policière, conduisant à l’arrestation de dizaines de manifestants, dont des membres d’une association locale. Un scénario qui rappelle les atteintes aux libertés ayant contribué à l’explosion de la colère dans le Rif il y a quelques années.
Du Hirak du Rif aux protestations sanitaires : les mêmes causes, les mêmes réponses ?
Ce n’est pas la première fois que les citoyens marocains se heurtent à l’interdiction et à la répression au lieu d’être écoutés. Les revendications pour un meilleur accès aux soins et à des services publics dignes figurent d’ailleurs au cœur des revendications du Hirak du Rif, un mouvement social qui a fini par se transformer en un lourd dossier judiciaire, aux conséquences politiques et sociales persistantes.
Bouchaïb El Bazi avertit que l’incapacité de l’État à tirer les leçons du Hirak ouvre la voie à une nouvelle phase de tensions sociales, tout en offrant à ses détracteurs l’occasion de remettre en question son unité et ses fondements. Pour lui, la réponse répressive à ces mobilisations ne fait qu’accentuer la fracture psychologique et politique entre l’État et le citoyen, vidant ainsi de sa substance tout discours officiel sur la réforme.
Appels à la libération et à l’ouverture d’enquêtes
Le journaliste a appelé à la libération immédiate et inconditionnelle des personnes arrêtées, ainsi qu’à l’ouverture d’enquêtes transparentes sur les abus et violences policières, tout en demandant que les responsables soient identifiés et sanctionnés. Il considère que les interdictions préventives et les pratiques d’intimidation constituent une violation flagrante de la Constitution marocaine et des conventions internationales ratifiées par le pays.
El Bazi plaide également pour une politique de santé efficace et équitable, fondée sur la réhabilitation des hôpitaux publics, l’amélioration des conditions du personnel soignant, et l’accès aux soins essentiels pour tous les citoyens, en milieu urbain comme rural.
Après les interdictions, quelle voie pour le Maroc ?
Le contexte actuel met en lumière une contradiction frappante entre le discours sur « l’État social » et la réalité du terrain. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes du malaise social, les autorités semblent reproduire le même schéma : répression, justification, et communiqués officiels priorisant la sécurité au détriment du dialogue.
Dans un climat marqué par des crises sociales persistantes et l’absence de canaux institutionnels de communication efficaces, une question s’impose avec acuité : le Maroc se dirige-t-il vers une nouvelle vague de protestations à grande échelle ? Et l’État est-il prêt à abandonner l’approche sécuritaire au profit de solutions participatives garantissant stabilité et justice sociale ?
Selon de nombreux observateurs, l’avenir dépendra de la capacité réelle de l’État à écouter ses citoyens, à dialoguer avec eux, et à répondre concrètement à leurs aspirations – au lieu de chercher à faire taire leurs voix.