Libération de la majorité des interpellés des manifestations “GENZ212” : une jeunesse en quête d’écoute
Bouchaib El Bazi
Les autorités marocaines ont procédé, samedi soir, à la libération de la majorité des jeunes arrêtés lors des récentes manifestations organisées spontanément par des groupes de jeunes identifiés sous le nom de “GENZ212”, un mouvement émergent né sur les réseaux sociaux. Ces rassemblements, qui ont eu lieu dans plusieurs villes du royaume, ont été placés sous le slogan , Liberté – Dignité – Justice.
Ces mobilisations, bien que qualifiées de “non autorisées” par les autorités locales, ont réuni des centaines de jeunes à Rabat, Casablanca, Marrakech, Tanger ou encore Taza. Les participants ont exprimé pacifiquement leurs revendications, réclamant un accès équitable à l’éducation, à la santé, à l’emploi décent et à une vie digne.
Un mouvement né du numérique
Le mouvement “GENZ212” semble incarner une nouvelle forme de mobilisation citoyenne portée par la génération Z, connectée, désenchantée par les structures politiques traditionnelles et désireuse de se faire entendre en dehors des canaux classiques. Les réseaux sociaux jouent ici un rôle central, non seulement comme outils de coordination, mais aussi comme espace d’expression libre et immédiate.
Selon plusieurs témoignages recueillis sur place et en ligne, les interpellations ont eu lieu de manière ciblée, immédiatement après la dispersion des rassemblements par les forces de l’ordre. Toutefois, la majorité des personnes arrêtées ont été relâchées quelques heures plus tard, après vérification d’identité et rédaction de procès-verbaux.
Une réponse sécuritaire à des revendications sociales
L’intervention rapide des forces de l’ordre soulève des interrogations sur la gestion des mouvements sociaux par l’État. Si les autorités invoquent le non-respect des règles encadrant les manifestations publiques, plusieurs observateurs estiment que la réponse sécuritaire, à elle seule, ne peut constituer une solution durable à des revendications profondément enracinées dans la réalité socio-économique du pays.
Les jeunes manifestants affirment que leur mobilisation est une réaction directe à la détérioration des conditions de vie, à l’augmentation du coût de la vie, au chômage endémique et à l’absence d’un modèle de développement inclusif. Ils dénoncent également les inégalités territoriales, en insistant sur le besoin urgent de justice sociale et de réformes structurelles.
Symptôme d’un malaise plus profond
Pour de nombreux analystes, le surgissement de ce type de mobilisation spontanée traduit un malaise généralisé dans la jeunesse marocaine, qui se sent de plus en plus marginalisée. L’absence de relais institutionnels efficaces et la perte de confiance dans les partis politiques traditionnels poussent cette frange de la population à chercher de nouvelles formes d’expression, souvent informelles mais hautement symboliques.
Dans ce contexte, la libération rapide des interpellés pourrait être perçue comme un geste d’apaisement, mais elle ne saurait occulter la question de fond , quelles réponses concrètes aux attentes d’une jeunesse en quête d’avenir ?
Une opportunité pour réinventer le dialogue
Face à l’émergence du mouvement “GENZ212”, le Maroc est placé devant un choix stratégique , soit renforcer la logique de contrôle, soit engager un dialogue renouvelé avec les jeunes générations. Cela implique de reconnaître la légitimité de leurs revendications, de créer des espaces d’écoute et de participation, et surtout, d’opérer une révision profonde des politiques publiques dans les domaines clés que sont l’éducation, la santé, l’emploi et l’égalité des chances.
Au-delà des arrestations, un signal d’alarme social
La vague de mobilisation autour de “GENZ212” est bien plus qu’un fait divers ou un épisode isolé , c’est le reflet d’un moment charnière dans la relation entre l’État et sa jeunesse. La libération des interpellés ne met pas fin au débat. Au contraire, elle ouvre une fenêtre sur un avenir incertain, où le dialogue, la réforme et l’écoute devront primer sur la répression.
À l’heure où la société marocaine connaît de profondes mutations, il devient essentiel de repenser les mécanismes d’inclusion politique et sociale, pour éviter que cette jeunesse connectée et mobilisée ne devienne une génération sacrifiée.