GenZ212 secoue les rues du Maroc : entre légitimité des revendications et continuité de la réforme
Intisar Azmizam
Les 27 et 28 septembre 2025, plusieurs villes marocaines ont été le théâtre de manifestations pacifiques portées par le mouvement GenZ212 et les membres de Moroccan Youth Voice. Des jeunes, souvent très connectés, parfois marginalisés, mais surtout déterminés à réclamer un avenir meilleur, sont descendus dans la rue pour faire entendre leurs revendications : un accès équitable à l’éducation, à la santé, à l’emploi, et une justice sociale réelle.
Ces protestations, bien que parfois spontanées et mal encadrées, ne doivent pas être perçues comme une menace, mais comme un signal fort d’un besoin d’écoute, de réforme et d’accélération dans la mise en œuvre des promesses sociales.
Une jeunesse consciente, dans un Maroc en mouvement
Loin d’être apathique ou déconnectée, cette génération Z marocaine, souvent considérée comme passive ou accaparée par les réseaux sociaux, prouve aujourd’hui qu’elle est politiquement consciente et civiquement engagée. À travers GenZ212, ces jeunes refusent de rester en marge des grandes décisions qui conditionnent leur avenir.
Leur cri est simple : vivre dignement dans un pays qu’ils aiment
Et ce point est fondamental. Car malgré le ton parfois accusateur de certaines revendications, il ne s’agit pas d’un rejet du Maroc, mais d’une interpellation franche : « Faites mieux, nous sommes prêts à vous y aider. »
Un pays forgé par la résilience, pas par la domination
Pour comprendre ces événements, il est crucial de replacer les choses dans une perspective historique. Le Maroc est un pays résilient, forgé par les épreuves. Contrairement à nombre de puissances coloniales, le Royaume n’a jamais colonisé d’autres peuples. Il a résisté avec bravoure à l’Espagne, au Portugal, à la France et à l’Angleterre, tout en préservant son identité, sa langue, sa religion et sa souveraineté.
C’est cette mémoire collective, riche et digne, qui nourrit la fierté nationale et la soif de justice.
Des réformes en cours… mais une impatience légitime
Il serait injuste de ne pas reconnaître les efforts engagés au sommet de l’État. Sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, des réformes sociales et territoriales profondes ont été lancées, dans une volonté claire de réduire les inégalités régionales, améliorer les infrastructures et renforcer la cohésion sociale.
De grands chantiers sont en cours : la généralisation de la couverture sociale, la réforme du système de santé, les investissements dans l’éducation, ou encore le nouveau modèle de développement, pensé pour une croissance plus inclusive.
Mais ces réformes prennent du temps. Et face à l’urgence sociale ressentie au quotidien, la jeunesse peine à attendre. Le décalage entre les annonces et les résultats visibles sur le terrain alimente frustrations et doutes.
Entre ambition nationale et pression internationale
Alors que le Maroc se prépare à accueillir la CAN 2025 puis la Coupe du Monde 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal, l’image du pays est scrutée de toutes parts. Ce contexte impose une gestion mesurée des contestations internes. Car l’enjeu n’est pas d’étouffer les voix, mais de prouver que le Maroc est capable de conjuguer stabilité, progrès et liberté d’expression.
Il est également essentiel de noter que la corruption, bien qu’encore présente, a reculé de manière significative ces dernières années, grâce à la modernisation de l’administration et à des efforts de digitalisation et de transparence. Mais le chantier est loin d’être terminé, et l’exemplarité doit venir d’en haut pour avoir du sens en bas.
Un appel au dialogue, pas à la division
Dans ce contexte, l’appel à la répression ne saurait être une solution durable. Les tensions sociales, si elles sont mal gérées, risquent de créer des fractures irréversibles. Les erreurs du passé, notamment celles liées au Hirak du Rif, doivent servir de leçons. L’enfermement, la marginalisation ou la stigmatisation des voix dissidentes ne feront que radicaliser les frustrations.
Au contraire, le dialogue intergénérationnel, l’écoute sincère des revendications et la confiance renouvelée envers les institutions sont les clés de la stabilité durable.
Une nation unie, forte de son peuple
Le Maroc est à la croisée des chemins. Il peut choisir de tendre la main à sa jeunesse, de l’impliquer dans les réformes, et de bâtir un avenir commun où chacun se sent pleinement citoyen. Ou bien risquer une rupture sociale, lente mais profonde.
La force du Maroc a toujours été sa capacité à s’adapter sans renier ses fondamentaux, à se moderniser tout en préservant ses racines. Il est temps que cette sagesse historique inspire aussi notre gouvernance actuelle.
Car ne l’oublions pas : le peuple marocain est le principal moteur du développement national. Et c’est en écoutant ses aspirations qu’on construit un royaume uni, juste et durable.