L’Union européenne en quête d’équilibre : un accord de pêche « provisoire » avec le Maroc entre droit européen et lignes rouges de Rabat

Bouchaib El Bazi

Dans une tentative de concilier impératifs juridiques et réalités géopolitiques, la plateforme Euractiv a révélé un nouveau mouvement du côté de l’Union européenne pour relancer l’accord de pêche avec le Maroc, annulé par la Cour de justice de l’UE en octobre 2024.

La Commission propose une formule qualifiée de « solution intermédiaire » , les produits issus des provinces du Sud seraient étiquetés comme provenant de la « zone d’origine – Sahara », plutôt que comme marocains, mais resteraient entièrement encadrés par les autorités de Rabat.

Ce compromis intervient à trois jours seulement de l’entrée en vigueur du jugement européen excluant les produits du Sahara des accords commerciaux. Une manœuvre qui reflète la volonté de Bruxelles d’éviter une rupture frontale avec son premier partenaire en Afrique, tout en affichant son respect des arrêts judiciaires.

Une gymnastique diplomatique à haut risque

Pour l’Union européenne, l’équation est complexe : démontrer son respect du droit tout en préservant des échanges commerciaux dépassant 60 % du volume global UE-Afrique. Mais cette approche n’est pas sans zones d’ombre. Rabat a déjà affirmé, par la voix du roi Mohammed VI, que « la souveraineté sur le Sahara n’est pas négociable » et que toute tentative de « requalification » des produits constitue une atteinte directe à l’intégrité territoriale du Royaume.

Une lecture juridique et stratégique

Selon Khalid Chiat, professeur de droit international, la situation actuelle illustre les pressions judiciaires encouragées par Alger et le Polisario devant les instances européennes. Néanmoins, le Maroc dispose de leviers non négligeables : le développement d’accords parallèles avec des puissances comme la Russie ou le Japon.

Ces alternatives ne ferment pas la porte à Bruxelles, mais au contraire lui rappellent que la coopération ne peut se construire qu’en respectant l’intégrité territoriale marocaine. L’universitaire souligne également que plus de 20 États européens se sont déjà dits favorables à renforcer leur partenariat avec Rabat, renforçant ainsi la résilience marocaine face aux verdicts de Luxembourg.

Des négociations décisives à Bruxelles

Les ambassadeurs des 27 États membres examinent ce mercredi une recommandation de la Commission en faveur d’un nouvel accord commercial « provisoire ». L’objectif est double , gagner du temps et afficher une volonté de continuité dans la coopération.

Ce dialogue s’inscrit dans un contexte de rapprochement politique , le chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, a rencontré la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, à New York la semaine dernière pour discuter de la relance de la relation bilatérale.

Le compromis européen ressemble à un exercice d’équilibrisme , satisfaire la Cour tout en ménageant Rabat. Mais la logique marocaine reste immuable , « pas de partenariat à deux vitesses, et surtout pas au détriment de la souveraineté ».

Derrière les négociations techniques se dessine une évidence , si Bruxelles ne clarifie pas sa position, Rabat poursuivra sa diversification diplomatique et commerciale, au risque d’affaiblir la place de l’Europe dans une région où le Royaume du Maroc apparaît comme un acteur central et incontournable.

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