Rabat – Les récentes vagues de manifestations qui ont secoué plusieurs villes marocaines n’ont rien d’un accident de parcours. Elles traduisent une accumulation de frustrations sociales, économiques et politiques, longtemps contenues mais désormais exprimées avec force dans l’espace public. Face à une population en quête de réponses concrètes sur le pouvoir d’achat, l’emploi, la santé et l’éducation, le gouvernement semble avoir perdu la main.
Au centre de cette crise, un nom revient avec insistance , Aziz Akhannouch. Le chef du gouvernement, arrivé au pouvoir avec la promesse d’un « État social », est aujourd’hui accusé par de larges pans de la société de n’avoir tenu aucun de ses engagements majeurs. Son incapacité à proposer une vision claire et ses choix de communication jugés déconnectés du quotidien des citoyens ont accentué le fossé entre l’exécutif et la rue. Résultat : une jeunesse mobilisée, déterminée à occuper l’espace public pour faire entendre ses revendications.
La posture inédite des forces de l’ordre
Fait marquant , la gestion sécuritaire de ces mobilisations. Contrairement à certaines pratiques passées, les autorités ont adopté une posture de retenue. Elles ont toléré l’organisation de manifestations pacifiques, même sans autorisation officielle, privilégiant ainsi une approche d’apaisement. Ce choix, qui vise sans doute à éviter toute escalade et à préserver l’image du Maroc à l’international, place paradoxalement le gouvernement face à un dilemme : comment contenir un mouvement légitime sans disposer de solutions rapides et tangibles ?
Un gouvernement acculé
La situation met l’exécutif dans une impasse. Répondre immédiatement aux demandes sociales paraît irréaliste au vu des contraintes budgétaires et des réformes structurelles en suspens. Mais ignorer la colère populaire risquerait d’attiser davantage la contestation et d’affaiblir encore la crédibilité du gouvernement. Entre immobilisme et promesses intenables, l’exécutif semble condamné à naviguer dans une zone grise qui fragilise sa légitimité.
L’exigence de la redevabilité
Cette crise relance un principe constitutionnel central , la responsabilité doit aller de pair avec la reddition des comptes. Si le Maroc a inscrit ce principe au cœur de sa gouvernance, son application effective impose aujourd’hui d’évaluer l’action gouvernementale à l’aune de ses résultats. Or, sur ce terrain, les échecs d’Akhannouch et de son équipe apparaissent de plus en plus difficilement défendables.
Les manifestations ne sont pas l’expression d’un désordre spontané, mais le symptôme d’une fracture politique et sociale profonde. Alors que les services de sécurité ont choisi de laisser s’exprimer pacifiquement la contestation, la balle est désormais dans le camp de l’exécutif. Soit il persiste dans un déni qui accentuera l’isolement du gouvernement, soit il assume son incapacité à répondre aux attentes et ouvre la voie à une nouvelle phase politique fondée sur la responsabilité et la confiance.