Génération Z au Maroc : quand le réveil social se heurte aux malentendus orientaux
Bouchaib El Bazi
Le Maroc a connu ces derniers jours une nouvelle vague de manifestations menées par la jeunesse du pays — celle que certains appellent, parfois à tort, la « Génération Z ». Ces jeunes, animés par une colère lucide, ont exprimé des revendications sociales légitimes , la cherté de la vie, la précarité de l’emploi, la dégradation des services publics, notamment dans la santé et l’éducation.
Mais contrairement à ce que d’aucuns ont voulu présenter, il ne s’agit ni d’un mouvement chaotique ni d’une fronde téléguidée. Les protestations observées dans plusieurs villes marocaines sont avant tout le reflet d’une conscience citoyenne grandissante, d’une jeunesse qui refuse le fatalisme et revendique son droit à un avenir meilleur, dans le cadre de la légalité et du respect des institutions.
Ce qui a toutefois surpris — voire choqué — nombre d’observateurs au Maroc, c’est le traitement biaisé et souvent condescendant qu’ont réservé certains commentateurs et « influenceurs » du monde arabe, notamment du Machrek, à ces manifestations. De nombreux analystes autoproclamés, souvent déconnectés de la réalité marocaine, ont voulu plaquer leurs propres grilles de lecture sur un contexte qu’ils ne maîtrisent pas.
Certains y ont vu les prémices d’un « printemps marocain », d’autres le signe d’un effondrement imminent, comme s’ils espéraient revivre à distance un scénario qu’ils n’ont pas su maîtriser chez eux. Une lecture aussi paresseuse que dangereuse, car elle méconnaît la singularité du modèle marocain, fondé sur l’équilibre entre continuité monarchique et ouverture démocratique.
Des comparaisons absurdes et des projections malveillantes
Parmi les figures ayant contribué à cette confusion, la Yéménite Tawakkol Karman — prix Nobel de la paix — a relayé sur les réseaux sociaux des fausses informations affirmant un « assaut du palais royal à Rabat », propos rapidement démentis par les faits.
Ce dérapage illustre une méconnaissance flagrante du terrain et une volonté manifeste de dramatiser une situation ordinaire de revendication sociale. Le Maroc n’est ni un État fragile ni un volcan politique prêt à exploser. C’est un pays doté d’institutions solides, d’une société civile active et d’une monarchie qui reste, pour la grande majorité des citoyens, le garant de la stabilité et de la cohésion nationale.
Une culture de la protestation encadrée et assumée
Contrairement aux clichés véhiculés, la contestation n’est pas étrangère au Maroc. Depuis des décennies, les Marocains descendent dans la rue pour défendre leurs droits , enseignants, médecins, avocats, fonctionnaires… La culture de la manifestation pacifique fait partie intégrante de la vie démocratique du pays.
Mais il y a une ligne rouge, claire et partagée , la protestation n’est pas la destruction, et la colère n’est pas le chaos. C’est cette distinction qui fait toute la différence entre le Maroc et d’autres expériences régionales marquées par la dévastation et le vide institutionnel.
Une monarchie garante du changement maîtrisé
Les observateurs honnêtes le savent , le Maroc a su, depuis 2011, transformer les tensions sociales en opportunités politiques. La réforme constitutionnelle, l’ouverture du champ politique, et la reconnaissance des libertés fondamentales témoignent d’une trajectoire d’évolution progressive, portée par une monarchie réformatrice et connectée à la société.
Dans ce contexte, les jeunes manifestants ne se dressent pas contre le Roi ; ils s’adressent à lui. Leurs cris expriment une attente de justice sociale, non une remise en cause du pacte national.
Ils veulent plus d’efficacité, plus de transparence, plus de réactivité gouvernementale — des revendications qui rejoignent d’ailleurs les orientations royales répétées sur la nécessité d’une gouvernance de proximité et d’un État social fort.
Un message clair à ceux qui veulent déformer la réalité
Ceux qui tentent de transformer les revendications marocaines en signaux d’instabilité se trompent de cible. Le Maroc n’a jamais été un terrain d’expérimentation pour les théories du chaos.
La jeunesse marocaine, dans sa diversité, demeure profondément attachée à son pays, à son identité et à sa monarchie. Et si le mouvement de la « Génération Z » a un sens au Maroc, c’est bien celui d’un éveil citoyen, non d’une rupture. Cette jeunesse n’est pas un danger , elle est l’avenir d’une nation consciente d’elle-même, de son histoire et de son destin.
Il serait réducteur de juger le Maroc avec des lunettes étrangères. Ce pays avance selon sa propre boussole, celle d’une modernité enracinée et d’une stabilité assumée.
Les jeunes qui ont manifesté ne sont ni des rebelles sans cause ni des marionnettes manipulées , ils sont le miroir d’une société en mutation, exigeante mais lucide. Et s’il fallait résumer en une phrase l’esprit de cette génération, ce serait sans doute celle-ci :
« Au Maroc, on ne manifeste pas pour renverser. On manifeste pour construire. »