Anvers : trois jeunes interpellés pour un projet d’attentat politique — la Belgique face à la menace invisible

Par B. El Bazi — Bruxelles

Trois jeunes hommes ont été interpellés à Anvers, dans la commune de Deurne, à proximité du domicile privé du Premier ministre Bart De Wever. Selon le parquet fédéral, ils projetaient de commettre un attentat à caractère terroriste visant plusieurs responsables politiques. Si les autorités restent prudentes, tout indique qu’il s’agissait d’un projet d’attaque d’inspiration djihadiste, possiblement dirigée contre le chef du gouvernement lui-même.

Un signal d’alarme à Deurne

Les perquisitions, menées à l’aube par les unités spéciales de la police fédérale, ont abouti à la découverte d’un dispositif explosif improvisé — un IED inachevé — et d’un ensemble de matériel technique incluant une imprimante 3D et un sac rempli de billes de métal. Les enquêteurs suspectent que ces éléments devaient servir à assembler un drone piégé, capable de transporter une charge explosive vers une cible politique.

L’opération a été coordonnée avec le Service d’enlèvement et de destruction d’engins explosifs (SEDEE), les équipes cynophiles et la Direction spéciale des unités (DSU), sous la supervision du juge d’instruction spécialisé en matière de terrorisme à Anvers.

Des profils jeunes, locaux… et radicalisés

Les suspects, âgés de 18 à 24 ans, sont tous de nationalité belge et résidents d’Anvers. Deux d’entre eux seraient d’origine marocaine, le troisième d’origine tchétchène. Selon les premiers éléments de l’enquête, ils auraient été en contact avec des cercles en ligne prônant la violence politique et le recours à la technologie comme nouvel outil d’action terroriste.

Deux des suspects comparaîtront ce vendredi devant le juge d’instruction, qui décidera de leur maintien en détention préventive. Le troisième a été remis en liberté après audition.

Une menace à la croisée du politique et du technologique

L’affaire d’Anvers illustre une évolution préoccupante , la radicalisation prend désormais des formes technologiques inédites. Le recours envisagé à un drone explosif démontre un glissement vers une “terrorisation low cost”, où la créativité technologique remplace les réseaux hiérarchisés du terrorisme classique.

Pour les services de renseignement, ce type de projet illustre la montée d’un terrorisme diffus, moins structuré mais plus imprévisible — porté par des individus isolés, souvent jeunes, connectés et fascinés par la culture numérique de la violence.

Un contexte politique sous tension

Si le parquet n’a pas confirmé officiellement que Bart De Wever figurait sur la liste des cibles, les recoupements médiatiques laissent peu de doute. Le Premier ministre, figure polarisante de la scène politique flamande, est régulièrement la cible de discours haineux sur les réseaux sociaux.

L’hypothèse d’un attentat contre un chef du gouvernement belge aurait marqué une escalade sans précédent depuis les attaques de Bruxelles en 2016. Elle rappelle que, malgré le relatif apaisement des dernières années, la Belgique demeure vulnérable aux dynamiques radicales locales.

Un système sous pression

“Ce dossier démontre la nécessité d’une vigilance constante face au risque d’attentats terroristes”, a déclaré la procureure fédérale Ann Fransen. Selon elle, plus de 80 enquêtes liées au terrorisme ont été ouvertes en 2025, dépassant déjà le total de l’année précédente.

Une statistique qui en dit long sur la complexité du phénomène , la radicalisation ne disparaît pas, elle mute, s’adapte, se digitalise. Les forces de sécurité, déjà éprouvées par le manque d’effectifs et la multiplication des dossiers, doivent désormais composer avec cette nouvelle génération de menaces hybrides.

L’équation de la sécurité démocratique

Face à ce type de menace, la Belgique se trouve à la croisée des chemins , comment protéger la démocratie sans verser dans la paranoïa sécuritaire ? Comment prévenir sans stigmatiser ? La réponse passe, selon plusieurs observateurs, par un renforcement des politiques de prévention en milieu scolaire et numérique, mais aussi par un dialogue social renouvelé avec les jeunes des quartiers urbains.

L’opération de Deurne rappelle que la sécurité n’est pas qu’une affaire de police , elle est aussi le reflet de la cohésion sociale, de la confiance dans les institutions et de la capacité d’un pays à offrir à sa jeunesse autre chose que la colère ou l’errance numérique.

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