Discours royal , de l’appel au sérieux à l’ingénierie du renouveau territorial
Analyse de Bouchaib El Bazi
Le discours prononcé par le roi Mohammed VI à l’occasion de l’ouverture de la session d’automne de la cinquième année législative n’a pas seulement marqué le retour rituel de la monarchie devant le Parlement ; il a incarné un moment de lucidité nationale, une relecture de l’action publique à la lumière de l’éthique et de la performance. Depuis son accession au trône, le souverain a fait de ses discours non pas de simples instruments de communication politique, mais de véritables manifestes programmatiques où se dessine la philosophie d’un État en transformation.
Le langage de la raison et de la vérité
La première singularité de ce discours réside dans sa clarté conceptuelle. En appelant à un « changement tangible des mentalités et des modes de travail », le roi Mohammed VI ne dénonce pas une inertie passagère, mais pose un diagnostic structurel , le Maroc du XXIᵉ siècle ne peut plus se contenter d’une administration procédurale, il doit devenir un État de résultats.
Cette approche s’inscrit dans la continuité du modèle de gouvernance prôné depuis la réforme constitutionnelle de 2011 , transparence, responsabilité et efficacité. Le ton est ferme, la visée est claire , il ne s’agit plus de planifier, mais d’exécuter. La “culture du résultat” devient ici une doctrine d’État.
Le territoire comme matrice de la justice sociale
Le discours royal réaffirme la conviction selon laquelle le développement du Maroc ne peut se concevoir sans équilibre territorial. Le souverain rappelle que la relation entre le monde urbain et le monde rural doit reposer sur une logique “gagnant-gagnant”, fondée sur la complémentarité et la solidarité.
L’analyse territoriale sous-jacente à cette vision est d’une grande profondeur politique , la justice spatiale n’est pas un simple objectif économique, mais une condition d’unité nationale. Donner au territoire sa pleine dimension humaine, c’est reconnaître que la cohésion sociale passe par la cohérence spatiale.
En cela, le roi replace la question du développement dans une perspective géopolitique interne , un pays équilibré dans ses territoires est un pays fort dans ses institutions.
Le numérique, levier de transformation et non ornement technologique
L’appel royal à un « investissement optimal dans la technologie numérique » traduit une lecture stratégique du moment contemporain. La digitalisation n’est plus perçue comme un luxe administratif, mais comme un instrument d’égalité et d’efficacité.
À travers cette injonction, le souverain redéfinit la notion même de gouvernance , l’administration numérique devient un outil de transparence, un moyen de rapprocher le citoyen de la décision publique et de moderniser le service de l’État. L’enjeu n’est pas seulement technique, il est profondément politique : restaurer la confiance.
La “sérieux” comme éthique de gouvernement
Dans le prolongement du discours du Trône, le roi remet au centre la valeur cardinale de la “sérieux” — non pas comme vertu morale, mais comme principe d’action. Être sérieux, dans la grammaire institutionnelle marocaine, c’est être responsable, cohérent et redevable.
Cette philosophie du travail public s’oppose frontalement à la logique du court terme et de la rentabilité électorale. Elle érige la performance publique en devoir patriotique, engageant élus, fonctionnaires, partis et société civile dans une même exigence , servir plutôt que paraître.
La justice sociale et spatiale comme horizon national
« La justice sociale et la réduction des disparités territoriales ne sont ni un slogan ni une priorité conjoncturelle », a rappelé le souverain. Cette phrase résume à elle seule le contrat social que la monarchie propose à son peuple , faire de l’équité un pilier permanent de la construction nationale.
Le discours royal érige la justice en principe d’équilibre entre croissance et inclusion, entre prospérité et cohésion. Dans une économie marquée par la compétitivité mondiale, cette vision confère au Maroc une singularité , celle d’un développement à visage humain.
La communication publique comme devoir national
L’un des points les plus notables du discours concerne l’appel à une meilleure communication institutionnelle. Le roi souligne la nécessité d’« informer les citoyens sur les initiatives et les décisions qui les concernent directement ». En d’autres termes, il redéfinit le rôle de la communication publique , elle n’est plus périphérique à l’action de l’État, elle en devient une composante essentielle.
Le souverain met ici en garde contre la désinformation et les discours négatifs, et rappelle que la légitimité des politiques publiques se renforce par la transparence et la pédagogie. Les médias, loin d’être de simples relais, sont invités à devenir des acteurs du développement.
La continuité stratégique d’une vision royale
Ce discours s’inscrit dans une cohérence temporelle , il prolonge les orientations du modèle de développement et du discours du Trône, en réaffirmant que le Maroc avance sur une trajectoire stable.
Les résultats sont tangibles , doublement des exportations industrielles depuis 2014, montée en puissance des secteurs automobile, aéronautique, énergies renouvelables et agroalimentaire, diversification des partenariats internationaux… autant d’indices qui confirment la solidité d’un modèle fondé sur la stabilité institutionnelle et la compétitivité économique.
un leadership de la constance et de la vision
Le discours royal, loin d’être une simple feuille de route politique, se présente comme un acte de pédagogie nationale. Il réaffirme le rôle de la monarchie comme conscience stratégique du pays : celle qui veille, rectifie, oriente et anticipe.
Mohammed VI y apparaît non seulement comme chef d’État, mais comme architecte moral d’un Maroc moderne, inclusif et lucide. Dans cette parole empreinte de sincérité et de rigueur, les Marocains reconnaissent la continuité d’un leadership qui parle moins pour séduire que pour construire.
C’est là, sans doute, la plus grande force du discours royal ، transformer la parole en programme, et le programme en destin collectif.