Cette semaine, pendant que 84 pays planchaient à Moscou sur l’avenir énergétique de la planète, l’Algérie, elle, planchait sur sa susceptibilité. Sur ordre personnel d’Abdelmadjid Tebboune, aucune délégation algérienne n’a pris part à la Semaine mondiale de l’énergie, un forum pourtant incontournable pour qui prétend jouer dans la cour des producteurs sérieux.
Mais que vaut la transition énergétique face à une transition d’humeur présidentielle ?
Quand la fierté remplace la diplomatie
Selon des sources diplomatiques, le boycott aurait été dicté depuis El Mouradia, en signe de protestation contre la position de la Russie sur deux sujets qui donnent des sueurs froides à Alger , le Sahara marocain et le nord du Mali.
Le Kremlin aurait eu l’audace – sacrilège ! – de réaffirmer son soutien au plan d’autonomie marocain, sous souveraineté du Royaume. À Alger, ce geste a été perçu comme une trahison digne des plus grandes tragédies du théâtre géopolitique ,« après tout ce gaz et ces poignées de main, voilà comment ils nous remercient ! », aurait lancé, outré, un diplomate algérien anonyme (mais visiblement très inspiré).
Moscou-Mali : la colère dans le désert
Deuxième motif d’irritation ,le nord du Mali, ce vaste terrain de jeu où les services algériens adorent tester leur influence.
Problème , la Russie y a désormais ses propres jouets, via la société militaire privée Africa Corps, héritière du groupe Wagner. Et visiblement, les Russes n’aiment pas partager leurs mercenaires.
Des rapports auraient d’ailleurs fuité sur le rôle trouble des réseaux algériens, entre appuis logistiques, petits arrangements avec des milices locales et un zeste de duplicité diplomatique. Moscou aurait « fait savoir son mécontentement » – une formule polie pour dire : on vous a compris, mais arrêtez vos jeux.
Pendant ce temps, le monde avance
Au Centre des expositions Manege, la planète énergie discutait de coopération internationale, de transition verte et de sécurité d’approvisionnement.
On y croisait le prince saoudien Abdulaziz bin Salman, le ministre turc Alparslan Bayraktar, ou encore le secrétaire général de l’OPEP Haitham Al Ghais.
Et l’Algérie ? Absente. Comme un élève qui boude parce que le professeur a félicité un autre.
Un diplomate européen présent à Moscou confiait, amusé :
« Quand on a du gaz et de l’ego, on croit que le monde entier attend son invitation. »
L’isolement par choix (ou par orgueil)
Le boycott de Moscou illustre parfaitement la nouvelle doctrine extérieure d’Alger , la diplomatie du réflexe émotionnel.
Dès qu’un partenaire ne chante pas la partition souhaitée, on tourne les talons et on boude. Le tout en espérant que quelqu’un, quelque part, supplie le régime de revenir à la table.
Mais à Moscou, personne n’a vraiment remarqué l’absence algérienne. Pas un communiqué, pas un siège vide souligné, pas même un regard ému.
Épilogue : gaz, orgueil et solitude
Le paradoxe algérien est saisissant , un pays assis sur d’immenses ressources énergétiques, mais prisonnier d’une politique extérieure qui carbure à la fierté mal placée.
Alors que le monde discute de l’avenir, Alger préfère ruminer le passé.
Et si l’énergie verte est l’avenir de la planète, l’énergie du dépit semble être, elle, la seule ressource renouvelable du régime Tebboune.