Tebboune, le général malgré lui : quand la diplomatie algérienne tourne en rond
Par Bouchaib El Bazi
Abdelmadjid Tebboune n’aura pas tenu bien longtemps son silence diplomatique. Après un répit aussi rare qu’inattendu, où il avait – ô miracle – oublié de prononcer le mot « Maroc » lors de son bavardage du 26 septembre, le président algérien a repris le 9 octobre ses vieilles habitudes , une tirade contre le Royaume, récitée devant un parterre de généraux impassibles au ministère de la Défense. Il faut croire que l’homme rendait des comptes non pas au peuple, mais à ceux qui l’ont installé sur le trône d’El Mouradia.
Discours sous tutelle
Le monologue de M. Tebboune, diffusé après un montage soigneux digne des télévisions soviétiques, se voulait un « bilan » de six années de pouvoir. Résultat : un concentré de slogans fatigués, de références périmées et d’émotions mal contenues. Le chef d’État, visiblement crispé, s’est une fois encore acharné sur le dossier du Sahara, répétant mécaniquement le mantra de la « décolonisation inachevée ».
Ironie du sort , le même Tebboune a reconnu, à plusieurs reprises, que le Sahara occidental avait été décolonisé en 1975. Mais qu’importe la logique quand la posture tient lieu de politique étrangère. Fidèle à la dramaturgie révolutionnaire, le président a feint d’espérer un règlement « dans le cadre de l’autodétermination », tout en sachant pertinemment que cette option a été rangée au musée des illusions diplomatiques depuis belle lurette.
Pendant que le monde avance, Alger régresse
Le contraste est saisissant. Tandis que le Maroc engrange soutiens et ouvertures diplomatiques autour de son plan d’autonomie – des États-Unis à la France, de l’Espagne à une bonne partie de l’Afrique – Alger s’enferme dans un monologue de solitude. Et voilà que même la Russie, ce pilier historique du non-alignement algérien, a choisi de tourner la page.
Le 13 octobre, Sergueï Lavrov a déclaré que Moscou « accueille favorablement » la proposition marocaine d’autonomie, pour peu qu’elle soit acceptée par les parties. Un séisme diplomatique. En quelques mots, le ministre russe a brisé des décennies de rhétorique figée, consacrant le plan marocain comme l’une des formes légitimes d’autodétermination reconnues par l’ONU. À Alger, c’est la panique feutrée , le dernier « allié indéfectible » vient de changer de partition.
Un président en guerre contre la réalité
Mais Tebboune persiste. Dans un élan de bravoure télévisée, il a martelé que « tant qu’il est en vie, personne n’imposera une solution » au Polisario. Autrement dit , tant qu’il respire, l’Algérie s’enlisera. Une posture martiale qui en dit long sur l’incapacité du régime à s’adapter au réel. Plus le monde avance, plus Alger s’enferme dans la nostalgie des congrès de Bandung.
Et pour prouver qu’il n’est pas rancunier qu’envers le Maroc, Tebboune a trouvé un nouveau coupable , les Émirats arabes unis. « Un pays du Golfe cherche à semer le désordre chez nous », a-t-il accusé, sans jamais le nommer, mais en laissant peu de place au doute. La diplomatie algérienne, autrefois flamboyante, se résume désormais à un art , se fâcher avec tout le monde, parfois par principe, souvent par réflexe.
Posture victimaire, rhétorique d’auto-sabotage
Dans un monde multipolaire où les alliances se tissent sur les intérêts, l’Algérie s’entête à cultiver la paranoïa comme doctrine. Chaque désaccord devient une « ingérence », chaque critique un « complot ». Même l’Afrique, jadis terrain de jeu diplomatique d’Alger, semble se détourner de cette posture théâtrale.
Ce théâtre, justement, révèle l’essentiel , un président fragile, sans base populaire, prisonnier d’un système militaire qui le manipule autant qu’il le redoute. Tebboune n’est pas le chef d’un État, mais le porte-voix d’un establishment en décomposition, obsédé par le Maroc, allergique à la modernité, et incapable de regarder vers l’avenir.
La diplomatie de l’autruche
L’isolement d’Alger n’est plus une hypothèse : c’est une évidence mesurable. Chaque nouvelle reconnaissance du Sahara marocain – qu’elle vienne de Washington, Madrid ou Moscou – est une gifle diplomatique à un régime qui ne sait plus où donner de la rancune.
Pendant que le monde salue la stabilité et le développement des provinces du Sud, Tebboune, lui, parle encore de décolonisation, comme si nous étions en 1960. Le monde avance, l’Algérie s’indigne. Le Maroc construit, Tebboune s’énerve. Et dans ce grand théâtre où chacun joue son rôle, le président algérien reste fidèle à son personnage , celui d’un général malgré lui, enfermé dans un décor d’un autre siècle.