Bientôt 500 jours sans gouvernement à Bruxelles : le grand théâtre de l’impuissance politique

Bouchaib El Bazi

Cinq cents jours. Presque un an et demi. Bruxelles, capitale de l’Europe, vit suspendue dans le temps politique, comme si la démocratie s’était figée sous les dorures de l’Hôtel de Ville. Pas de gouvernement, pas de vision, pas de cap. Et pourtant, la vie continue , les trams roulent, les loyers flambent, et les citoyens s’habituent à l’absence du pouvoir comme on s’habitue à un éternel embouteillage sur le ring.

L’éternel compromis belge : quand l’attente devient un système

On dit souvent que la Belgique excelle dans l’art du compromis. Mais à force de chercher le juste milieu, le pays s’est perdu dans une géométrie institutionnelle impossible. Bruxelles, coincée entre Flamands et Francophones, subit cette paralysie depuis près de 500 jours. Les négociations entre partis sont devenues un feuilleton sans fin, un mélange de House of Cards et de Kaamelott, où chacun défend son fief au nom de la « stabilité ».

Sauf qu’il n’y a rien de stable dans cette stagnation. Derrière les sourires polis et les conférences de presse vides, les priorités s’empilent , logement, mobilité, transition écologique, gestion de la propreté, sécurité… Autant de dossiers urgents laissés à des ministres démissionnaires ou à des cabinets en mode survie administrative.

Les citoyens, eux, ne rient plus

Sur les marchés et dans les cafés, le ton a changé. L’ironie a laissé place à la lassitude.

« Ils n’arrivent même plus à s’entendre sur le nom du futur formateur », soupire Nadia, infirmière à Schaerbeek.

« On a l’impression qu’ils vivent dans une bulle parallèle », ajoute Karim, entrepreneur à Anderlecht.

Les Bruxellois, habitués aux crises à répétition, finissent par se détacher de la politique. Le taux de confiance envers les institutions régionales n’a jamais été aussi bas. Et comment pourrait-il en être autrement ? L’image du politicien local se résume désormais à celle d’un professionnel du blocage, expert en négociations sans fin.

Un vide politique, mais pas un vide de pouvoir

Ce vide institutionnel arrange, paradoxalement, beaucoup de monde. Les administrations continuent de tourner, les subsides tombent, les contrats se renouvellent. La machine bureaucratique belge, héritière d’un siècle de compromis et de structures empilées, fonctionne en pilotage automatique.

Mais sans impulsion politique, la ville s’enlise. Les grands projets urbains sont à l’arrêt, la mobilité reste chaotique, et la fracture sociale se creuse entre les quartiers du centre et ceux de la périphérie.

Et maintenant, que dire à nos politiques ?

Peut-être faudrait-il leur rappeler une évidence , gouverner, ce n’est pas simplement additionner des étiquettes partisanes. Ce n’est pas un concours de patience entre socialistes, libéraux et écologistes. C’est décider, assumer, rendre des comptes.

Les Bruxellois n’attendent plus de grandes promesses, mais de petites décisions concrètes , un bus qui arrive à l’heure, un trottoir réparé, une facture d’énergie supportable.

Ils n’attendent plus de grands discours sur la gouvernance régionale, mais un peu de courage, un peu de cohérence.

Bruxelles mérite mieux

À l’heure où la capitale européenne donne des leçons de démocratie au reste du monde, sa propre maison politique est en ruine. Il serait peut-être temps de balayer devant sa porte.

Car à force d’attendre, la démocratie locale risque de mourir d’indifférence — dans un silence administratif, avec pour seule oraison funèbre , « En Belgique, tout finit toujours par s’arranger ».

 

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