Depuis près d’un demi-siècle, la question du Sahara marocain s’est imposée comme un dossier récurrent à l’agenda des Nations unies, oscillant entre rapports d’envoyés spéciaux et résolutions successives du Conseil de sécurité. Mais à l’approche de la session décisive du 30 octobre 2025, un sentiment nouveau émerge , celui d’un tournant inévitable. Le contexte international s’est transformé, les rapports de force régionaux se sont redéfinis, et la realpolitik s’impose désormais comme l’unique horizon raisonnable.
Tout commence en 1975, lorsque l’Espagne se retire du territoire saharien, laissant un vide géopolitique aussitôt comblé par une lutte d’influence régionale. L’avis consultatif de la Cour internationale de justice confirma alors l’existence de liens historiques et juridiques entre le Sahara et le Maroc, sans toutefois fermer la porte au principe de l’autodétermination. En réponse, le Maroc lança la Marche Verte, mobilisant des centaines de milliers de citoyens dans un élan pacifique et symbolique pour le retour à la souveraineté. Face à cela, le Front Polisario, soutenu militairement et diplomatiquement par l’Algérie, proclama une prétendue « République sahraouie », plongeant la région dans une guerre qui ne prendra fin qu’en 1991, avec un cessez-le-feu fragile et la mise en place de la MINURSO, chargée d’organiser un référendum qui ne verra jamais le jour.
Depuis, le statu quo s’est installé. Les résolutions du Conseil de sécurité se succèdent, mais l’horizon politique reste fermé. Le temps, pourtant, a fait son œuvre , la thèse du référendum est devenue irréalisable, et l’option séparatiste s’est effondrée face à la logique des faits. C’est dans ce contexte que le Maroc a proposé, en 2007, son initiative d’autonomie élargie, offrant aux populations sahariennes de larges prérogatives de gestion locale dans le cadre de la souveraineté nationale. Cette proposition, qualifiée par l’ONU de « sérieuse et crédible », a reçu le soutien d’acteurs majeurs tels que les États-Unis, l’Espagne, l’Allemagne, ainsi que de nombreuses nations arabes et africaines.
Aujourd’hui, le Conseil de sécurité se trouve face à trois options , consacrer l’autonomie comme base unique et réaliste du règlement, prolonger une fois encore la mission de la MINURSO sans avancée politique, ou pousser vers des négociations directes sous l’égide du plan marocain. Les signaux diplomatiques, eux, laissent peu de doute , l’heure de la lucidité approche.
Cette dynamique s’explique aussi par un changement de paradigme sécuritaire. Le Sahel et la bande sahélo-saharienne sont devenus des foyers d’instabilité, minés par le terrorisme, les trafics et les migrations incontrôlées. Dans ce contexte, maintenir un territoire stratégique dans le flou politique reviendrait à fragiliser l’ensemble du Nord de l’Afrique et, au-delà, l’Europe méridionale. L’enjeu n’est donc plus seulement territorial ou identitaire , il est sécuritaire et global.
À ce tableau géopolitique s’ajoute une dimension humaine trop souvent occultée. D’un côté, les provinces du Sud marocaines connaissent un essor sans précédent , infrastructures modernes, investissements dans les énergies renouvelables, universités et développement social. De l’autre, les camps de Tindouf, en territoire algérien, demeurent figés dans la précarité, dépendants de l’aide internationale, otages d’un récit politique épuisé. La comparaison est éloquente , d’un côté, un projet de vie et de dignité ; de l’autre, une impasse idéologique.
Il serait donc illusoire de croire que la solution puisse encore venir d’une logique d’affrontement ou de victimisation. L’autonomie n’est pas une concession, c’est une synthèse , celle d’un Maroc uni et pluriel, capable d’intégrer la diversité dans la stabilité. Ce n’est pas un repli, mais une ouverture vers un futur partagé, où les Sahraouis participent pleinement à la construction nationale.
L’histoire, enfin, rappelle une vérité que les discours politiques ont souvent voulu effacer , le Sahara a toujours fait partie du champ d’influence du Maroc, à travers les liens de bey’a et d’allégeance aux souverains chérifiens. Les dynasties sahariennes ont contribué à façonner l’histoire du Maghreb, des Almoravides aux Alaouites. Ce n’est donc pas une annexion, mais une continuité historique que la diplomatie marocaine s’efforce de restaurer.
Le soutien croissant de la communauté internationale à la souveraineté marocaine – symbolisé par l’ouverture de plus de trente consulats à Laâyoune et Dakhla – confirme cette évolution irréversible. Ce mouvement consacre l’autonomie comme l’unique solution politique viable et met en marge la rhétorique séparatiste, désormais déconnectée des réalités du XXIe siècle.
Le monde a changé, et la région n’a plus le luxe de perpétuer un conflit anachronique. Le Conseil de sécurité a, pour la première fois depuis cinquante ans, l’occasion de choisir la raison plutôt que l’attente, la stabilité plutôt que l’incertitude. Entre prolonger le statu quo ou sceller un accord durable, le choix est aussi moral que politique. Car, au fond, il ne s’agit plus d’un différend territorial , il s’agit d’un destin collectif à reconstruire.