Quand le Polisario découvre soudain que l’autonomie n’est pas si mauvaise… ou l’art de se réconcilier avec la réalité
Bouchaib El Bazi
Il fallait bien que cela arrive un jour. Après près d’un demi-siècle à prêcher l’indépendance dans le désert, la direction du Front Polisario semble soudainement frappée par une révélation quasi mystique , le plan d’autonomie proposé par le Maroc ne serait peut-être pas cette hérésie politique qu’elle dénonçait avec tant de ferveur.
Quelques jours avant la réunion du Conseil de sécurité, Mohamed Yeslem Beissat, figure diplomatique de la “République de Tindouf”, a laissé échapper une phrase historique , “Si les Sahraouis choisissent l’autonomie sous souveraineté marocaine, nous l’accepterons.” Une déclaration qui ressemble à un soupir de résignation plus qu’à un acte de courage. C’est un peu comme si un joueur perdant affirmait , “S’ils décident que j’ai perdu, j’accepte le résultat.”
La raison de ce soudain accès de “réalisme” ? Le vent tourne, tout simplement. Washington soutient fermement l’initiative marocaine. Les capitales européennes – de Madrid à Berlin, en passant par Paris et Londres – s’alignent sur la même lecture , l’autonomie est la seule voie sérieuse et crédible vers une solution définitive. Dès lors, le Polisario comprend qu’il vaut mieux assouplir la rhétorique que d’être rayé du paysage diplomatique international.
Le plus savoureux, c’est cette tentative maladroite de reformulation. Beissat explique que le nouveau “projet sahraoui” présenté au Conseil de sécurité inclut trois options : l’indépendance, l’intégration et un “pacte d’association libre”, étrangement similaire au plan marocain. Autrement dit, après cinquante ans d’opposition farouche, le Polisario finit par dire la même chose que Rabat, mais avec un accent algérien.
Derrière cette pirouette se cache un aveu plus profond , le discours de “l’autodétermination” s’effondre. Quand on commence à admettre que le choix du peuple sahraoui pourrait inclure l’autonomie, c’est que le dogme de “l’indépendance inévitable” a vécu. La rhétorique révolutionnaire des années 1970 s’est tout simplement dissoute dans la géopolitique du XXIe siècle.
Quant à l’Algérie, elle assiste à la scène en spectatrice dépitée. Elle qui jurait n’être “pas partie prenante” se retrouve à défendre une cause dont les propres protagonistes révisent les termes. Difficile de continuer à agiter le drapeau du séparatisme quand le principal intéressé commence à le plier.
Le Maroc, lui, n’a plus besoin de plaider sa cause : le Conseil de sécurité, trois membres permanents sur cinq, et une majorité de partenaires internationaux soutiennent désormais sa vision. L’autonomie n’est plus seulement une initiative marocaine, elle devient un principe de consensus.
En réalité, ce “revirement” du Polisario n’a rien d’un miracle diplomatique. C’est une reddition feutrée, habillée du vocabulaire onusien. Une manière élégante de reconnaître la défaite sans jamais prononcer le mot.
Après avoir passé des décennies à rejeter le plan marocain, le Polisario finit par lui donner raison – à condition de ne pas le dire trop fort. C’est une nouvelle forme de réalisme , celui des vaincus. Car dans cette partie d’échecs politique, Rabat joue la stratégie, pendant que Tindouf se contente de déplacer son roi en espérant un match nul.