Bart De Wever ou la purge sociale avant la démission annoncée

Bouchaib El Bazi

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À Bruxelles, la crise budgétaire prend des airs de tragédie institutionnelle. Tandis que le Premier ministre Bart De Wever fixe au 6 novembre la date butoir pour conclure un accord budgétaire fédéral, il a déjà, en réalité, fait le ménage dans l’architecture sociale du pays. Même si la démission venait à tomber, le chef du gouvernement flamand aura laissé une empreinte bien tangible , celle d’un exécutif qui aura sabré dans les acquis sociaux sous couvert de rigueur budgétaire.

Une “offre finale” au goût amer

L’« offre finale » déposée par De Wever sur la table du kern s’élève à 10 milliards d’euros d’économies. Un plan à la fois ambitieux et douloureux, qui combine saut d’index, hausse de la TVA, et contrôle renforcé des malades de longue durée. Autrement dit, les piliers mêmes de la protection sociale belge – pouvoir d’achat, sécurité sociale, santé – se trouvent mis sous tension au nom d’une trajectoire budgétaire alignée sur les exigences européennes.

Mais le MR, fidèle à sa ligne libérale, refuse catégoriquement toute mesure susceptible d’éroder le pouvoir d’achat des ménages. « Pas question de punir la consommation pour équilibrer les comptes », résume un proche du parti bleu. Ce refus a plongé les négociations dans une impasse que De Wever tente, depuis, de transformer en bras de fer politique.

Le social comme variable d’ajustement

Sous la pression des marchés et des règles européennes, le gouvernement fédéral a multiplié les réformes structurelles depuis le début de la législature. Réforme du chômage, révision du système de pensions, restriction de l’accès à certaines prestations maladie , autant de mesures déjà engagées ou en préparation, présentées comme des « réformes de durabilité », mais perçues par une large partie de la population comme des attaques frontales contre l’État social.

En matière de pensions, le gouvernement a durci les conditions d’accès et introduit des incitations à la prolongation de carrière. Dans le domaine du chômage, la chasse aux « inactifs » s’est intensifiée, avec un contrôle accru et des sanctions renforcées pour les demandeurs d’emploi jugés insuffisamment actifs. Côté santé, le suivi des malades de longue durée est désormais placé sous l’œil vigilant de l’administration, qui privilégie la réintégration rapide au marché du travail.

Toutes ces réformes ont un point commun , elles déplacent la responsabilité du déséquilibre budgétaire vers les citoyens eux-mêmes, et non vers un modèle fiscal que beaucoup jugent obsolète et inéquitable.

Le 6 novembre, une date à double tranchant

« Il existe toujours une volonté suffisante de parvenir à un accord », a indiqué le Seize au terme du kern de vendredi soir. Derrière cette prudente formulation, une réalité s’impose , si aucun compromis n’est trouvé d’ici le 6 novembre, Bart De Wever se rendra au Palais pour présenter sa démission au Roi.

Mais d’ici là, le Premier ministre aura verrouillé les axes principaux de sa politique. Les 10 milliards d’euros d’économies visés forment déjà un cadre intangible ; et les orientations retenues – austérité, compression des dépenses sociales, alignement sur les normes européennes – survivront à sa sortie éventuelle.

Le double jeu de la responsabilité

Dans les rangs des Engagés, Maxime Prévot a salué « l’importance du moment » et appelé à « des choix responsables ». Mais la responsabilité invoquée par les uns s’apparente, pour d’autres, à une abdication. Les syndicats dénoncent un projet qui fragilise la cohésion sociale et fait payer aux travailleurs et aux pensionnés la facture d’un endettement structurel.

Derrière la dramaturgie politique, une question fondamentale demeure , la Belgique peut-elle renouer avec l’équilibre budgétaire sans sacrifier son modèle social ? À écouter Bart De Wever, la réponse est déjà donnée , le salut passe par la discipline, quitte à rogner un peu plus les marges de solidarité.

Et si, le 6 novembre, le Premier ministre devait franchir la porte du Palais pour remettre sa démission, il pourra le faire avec le sentiment du devoir accompli , celui d’avoir préparé un budget rigoureux, même au prix d’un ménage impitoyable dans la maison sociale belge.

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