Bart De Wever, le “Monsieur non” européen

Bouchaib El Bazi

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À Bruxelles, lors du dernier Conseil européen, Bart De Wever n’a pas cherché à séduire ni à impressionner. Fidèle à son image de gestionnaire froid et rigoureux, il a choisi le chemin le plus solitaire , celui de la légalité avant la vengeance, du droit avant la morale politique. Face aux appels pressants à « faire payer la Russie » en utilisant les 140 milliards d’euros d’avoirs russes immobilisés sur les comptes d’Euroclear, le Premier ministre belge a opposé un refus net — un non juridique et politique qui tranche dans un climat d’émotion et d’urgence.

Le gardien du droit au milieu de la tempête

Alors que la plupart des dirigeants européens plaident pour mobiliser les fonds russes afin de financer la reconstruction de l’Ukraine, De Wever a rappelé une évidence souvent négligée , l’État de droit ne se suspend pas en temps de guerre. Cette phrase, glissée avec le calme d’un professeur de droit constitutionnel, résume à elle seule la philosophie du dirigeant nationaliste flamand.

« Si nous transformons le droit international en outil de circonstance, alors demain, personne ne pourra plus nous faire confiance », aurait-il confié à ses collaborateurs avant le sommet. Derrière ce refus, il y a une conviction , le respect du droit international n’est pas une option morale, mais une condition de survie pour une petite puissance financière comme la Belgique.

Le réalisme belge face au risque économique

Le refus de Bart De Wever est tout sauf une posture. Derrière son « non », il y a une lecture pragmatique du risque. La Belgique abrite près de 90 % des avoirs russes gelés par l’Union européenne, concentrés dans les circuits d’Euroclear. Si demain Moscou riposte ou exige réparation, c’est la Belgique qui serait la première à payer, non pas l’Allemagne ni la France.

De Wever, qui connaît intimement le fonctionnement d’Euroclear et la sensibilité de la place financière bruxelloise, sait que le moindre faux pas juridique pourrait se traduire par des sanctions économiques, des procès internationaux, voire une fuite de capitaux. Il n’a donc pas cédé à la pression politique , son devoir, répète-t-il, est de protéger les intérêts du pays avant ceux de la géopolitique émotionnelle.

Du “Monsieur non” fédéral au “Monsieur non” européen

Sur la scène intérieure, Bart De Wever s’est déjà taillé la réputation de “Monsieur non” belge, celui qui refuse les compromis faciles dans les négociations budgétaires fédérales. À l’échelle européenne, il exporte ce même profil , celui d’un homme de principe, parfois raide, souvent lucide.

On le traite d’« entêté », de « frileux », voire de « trumpiste » pour son refus d’entrer dans la logique des sanctions symboliques. Mais ses partisans y voient une forme de courage politique , celui d’un dirigeant qui ose rappeler que le droit ne se plie pas aux émotions collectives.

De Wever joue une partition complexe , préserver la crédibilité juridique de l’Union, tout en consolidant sa stature d’homme d’État en Belgique. Car chaque sommet européen où il s’oppose à la majorité renforce sa posture nationale , celle d’un Premier ministre qui résiste aux pressions extérieures, au nom du réalisme et de la souveraineté juridique.

Une Belgique sur la ligne de crête

Dans un contexte où l’Union européenne cherche désespérément à afficher son unité face à la Russie, la position belge est inconfortable. Bruxelles — capitale européenne et centre névralgique d’Euroclear — se retrouve à la fois juge et partie. Et c’est précisément ce paradoxe que Bart De Wever veut maîtriser , être l’Européen qui dit non, non par idéologie, mais par sens de la responsabilité.

Le « Monsieur non » européen n’est pas un saboteur, mais un conservateur de principes. Dans un continent où la politique s’emballe, il choisit la lenteur du droit. Et si cela déplaît à certains de ses homologues, il semble s’en accommoder parfaitement. Car pour De Wever, le vrai courage politique, c’est de tenir bon quand tout le monde cède.

 

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