À Saint-Gilles, la culture marocaine tisse les fils d’une mémoire partagée
Bouchaib El Bazi
Sous les voûtes historiques de l’Hôtel de Ville de Saint-Gilles, le Maroc s’est invité samedi dernier non pas comme simple invité d’honneur, mais comme une présence vivante, enracinée, familière. Cette première Journée culturelle marocaine, organisée par le Consulat général du Maroc à Bruxelles et la commune de Saint-Gilles, a fait bien plus que célébrer un patrimoine , elle a raconté une histoire. Celle d’un demi-siècle de cohabitation, de labeur et d’enracinement, entre les rives du Bouregreg et celles de la Senne.
Une immersion dans la diversité marocaine
L’événement, placé sous le signe du dialogue interculturel et de la mémoire partagée, a offert au public une traversée symbolique du Royaume chérifien. Des rythmes du chaâbi aux parfums du thé à la menthe, des broderies du Nord aux parures du Sahara, tout semblait rappeler la pluralité d’un pays qui conjugue l’unité dans la diversité.
Dans le hall principal, une tente sahraouie dressée avec soin a reconstitué l’atmosphère hospitalière des provinces du Sud marocain. Sous son ombre, les visiteurs belges et marocains ont partagé un moment suspendu un pont culturel entre désert et capitale européenne.
Un hommage aux bâtisseurs de l’immigration marocaine
Mais cette journée ne fut pas qu’une célébration esthétique. Elle fut aussi un hommage symbolique à la première génération d’immigrés marocains, ces hommes et ces femmes arrivés dans les années 1960 et 1970, porteurs d’une valise, d’une langue, et d’une immense dignité.
Certificats de reconnaissance à la main, plusieurs Saint-Gillois d’origine marocaine ont été distingués pour leur parcours exemplaire et leur engagement citoyen.
Dans son discours empreint d’émotion, Jean Spinette, bourgmestre de Saint-Gilles, a salué une “culture marocaine vivante, ouverte et riche de mille couleurs”, rappelant que “Saint-Gilles s’est enrichie de cette diversité, de cette ouverture du cœur et de l’esprit”.
Il a souligné que l’apport le plus précieux de l’immigration marocaine n’a pas seulement été économique, mais humain , “Elle a ouvert nos cœurs sur une autre manière de vivre, de croire, d’aimer et de célébrer la vie.”
Transmission et reconnaissance mutuelle
Le Consul général du Royaume du Maroc à Bruxelles, Hassan Touri, a, pour sa part, rendu un vibrant hommage à ces pionniers de l’exil, évoquant leurs sacrifices et leur courage, tout en saluant les générations suivantes qui perpétuent l’héritage de leurs aînés à travers la culture, l’art et l’engagement civique.
Il a exprimé le souhait que cette première édition marque le début d’une nouvelle dynamique d’échanges culturels entre le Maroc et la commune bruxelloise, “dans un esprit d’amitié et de fraternité partagée”.
Entre mémoire et modernité
La journée s’est achevée sur une note d’émotion avec la projection d’un court-métrage sur l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique, suivie d’un débat et d’une exposition de toiles d’artistes belgo-marocains explorant les thèmes de l’identité et du déracinement.
La musique, elle, a servi de langage universel , des mélodies gnaoua aux rythmes andalous, tout semblait rappeler que la culture marocaine, loin d’être figée, se réinvente dans le métissage.
le soft power d’une diaspora enracinée
Au-delà de la célébration, cette journée culturelle illustre le rôle croissant du Maroc dans la diplomatie culturelle en Europe. En s’appuyant sur une diaspora dynamique et multigénérationnelle, le Royaume projette une image d’ouverture et de modernité, tout en renforçant un lien mémoriel précieux.
Saint-Gilles, commune emblématique de la diversité bruxelloise, devient ainsi le théâtre d’un dialogue fécond entre héritage et avenir entre mémoire migrante et citoyenneté européenne.
Plus qu’une fête, cette journée aura été une reconnaissance collective , celle d’un Maroc présent non seulement dans les cœurs, mais aussi dans la construction du vivre-ensemble belge.