Algérie – Polisario : la guerre des illusions

Bouchaib El Bazi

La dernière lettre du Front Polisario adressée à l’ONU n’est pas un geste diplomatique, encore moins un tournant stratégique , c’est un symptôme. Elle traduit la confusion d’un système algérien à bout de souffle, en quête de prétextes pour masquer ses propres échecs. D’après moi, ce courrier n’est que le prolongement logique du discours prononcé par le président Abdelmadjid Tebboune, le jeudi 9 octobre, devant les officiers supérieurs de l’Armée nationale populaire (ANP).

Dans cette allocution prononcée au siège du ministère de la Défense, le président algérien a recyclé, sans nuance, les vieux dogmes du régime , autodétermination, décolonisation, menace étrangère. Des concepts poussiéreux, invoqués à défaut d’idées neuves, pour justifier la faillite politique et morale d’une armée qui ne sait plus à quoi sert sa puissance.

Une armée sans guerre, un discours sans cohérence

Depuis que le soutien de la communauté internationale au plan d’autonomie marocain est devenu irréversible, les généraux d’Alger se débattent. Le discours officiel tourne à vide , à El Mouradia comme à l’État-major et au Département du renseignement et de la sécurité (DRS), on improvise. L’obsession marocaine, élevée au rang de doctrine d’État, ne parvient plus à masquer le désarroi d’une hiérarchie militaire coupée du réel.

Ce que le pouvoir algérien présente comme une posture de résistance n’est qu’une tactique de diversion. En entretenant le conflit autour du Sahara, la junte justifie un budget de défense démesuré — près de 27 milliards de dollars, soit 10 % du PIB national. Cette inflation militaire sert moins à défendre des frontières qu’à entretenir des privilèges. Le « danger marocain » est devenu la rente idéologique du régime.

Leurre diplomatique et piège rhétorique

Le 23 octobre, Mohamed Yeslem Beissat, prétendu « ministre des affaires étrangères » du Polisario, déclarait accepter le plan d’autonomie marocain… à condition de le soumettre à référendum. À première vue, le ton paraît conciliant. En réalité, cette formule de compromis apparent est un piège sémantique, destiné à prolonger l’impasse.

Car, dans les faits, le Polisario ne détient ni la décision de la guerre, ni celle de la paix. La milice séparatiste n’est qu’un instrument entre les mains du ministère algérien de la Défense, qui la finance, l’arme et lui dicte la ligne à suivre. En feignant l’ouverture, Alger cherche à donner le change : présenter à la communauté internationale une « solution algérienne » pour mieux maintenir le blocage.

C’est un jeu d’ombres : faire croire à la négociation pour mieux éviter la solution.

Une main tendue qui dissimule un poing fermé

Cette pseudo main tendue à Rabat n’est pas un signe de détente. C’est une opération de communication stratégique, calibrée pour sauver les apparences auprès des chancelleries occidentales. En réalité, pour la junte algérienne, le conflit avec le Maroc n’est ni frontalier ni politique , il est existentiel. Le régime s’y accroche comme à son dernier mythe fondateur.

Depuis l’indépendance, la menace étrangère – d’abord française, puis marocaine, aujourd’hui israélienne – est l’oxygène du pouvoir militaire. Elle justifie tout , la centralisation du pouvoir, la censure, et même la pauvreté. Admettre la fin du conflit reviendrait à signer l’acte de décès d’un système bâti sur la peur.

Les États-Unis observent, les dossiers s’accumulent

Mais les équilibres changent. Selon une source diplomatique à Washington, le Département d’État américain disposerait d’éléments précis sur les agissements du Polisario et son financement opaque par Alger. Une batterie de sanctions ciblées serait prête à être activée en cas de refus de coopération. Le classement du Polisario comme organisation terroriste est désormais sur la table, accompagné d’un dossier détaillé sur ses implications dans des crimes de guerre et des violations des droits humains.

Les généraux le savent , le temps du double langage touche à sa fin. Le narratif de la « cause sahraouie » ne convainc plus personne, pas même leurs propres partenaires stratégiques.

L’illusion du contrôle

Le régime algérien pensait maîtriser le feu qu’il a allumé il y a un demi-siècle. Mais ce brasier diplomatique menace aujourd’hui de se retourner contre lui. En refusant la réalité — celle d’un plan d’autonomie marocain soutenu par les grandes puissances et conforme au droit international — Alger s’enferme dans une logique de blocage, tout en s’épuisant économiquement.

Au fond, cette obstination traduit une peur , celle de perdre l’unique ciment idéologique encore efficace dans un pays où la jeunesse n’écoute plus les sermons du pouvoir.

La guerre comme alibi

La lettre du Polisario à l’ONU n’est donc qu’un baroud d’honneur avant la capitulation symbolique. Une ultime tentative d’habiller la défaite en résistance. L’Algérie s’en sert comme d’un miroir politique , plus elle parle de « décolonisation », plus elle cache sa propre impasse.

Mais les mots ont un prix, et l’histoire aussi. On ne bâtit pas une nation sur une guerre imaginaire. Le Maroc, lui, avance. L’Algérie, elle, s’obstine à courir après un ennemi qu’elle a inventé.

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